Assouan

 

Porte de l'Égypte, Assouan est la capitale d'une province située dans la zone de la première cataracte (ou gorge) du Nil, à l'endroit où le fleuve s'élargit pour se refermer très vite, où îlots et rochers granitiques érodés affleurent au milieu des eaux tourbillonnantes du fleuve. La ville est située entre le Nil et un plateau désertique oriental qui s'élève jusqu'à cent mètres. Les anciens l'appelaient "la ville au coeur des flots".

Assouan est considérée comme la porte de la Nubie. Entre la première et la deuxième cataracte, c'est la Basse Nubie, engloutie sous les eaux du lac Nasser. Au sud de la deuxième cataracte, s'étend la haute Nubie que les pharaons nommaient Pays de Kouch, formé par les royaumes de Kerma, de Napata et de Méroé aujourd'hui au Soudan.

Histoire d'Assouan

Comme toute ville ancienne de la vallée du Nil, Assouan s'étend sur les deux rives du fleuve. Déjà dans l'Antiquité, Assouan était appelée par les anciens Égyptiens Sount puis par les Grecs Syène, du nom d'une roche dite "syénite", désignant improprement le granit. La ville symbolisait la porte d'ouverture sur l'intérieur de l'Afrique et représentait un important centre de négoce. Toutes les grandes routes commerciales et pistes caravanières y aboutissaient.

L'île Éléphantine abrita la première installation humaine; son nom est mentionné dans les textes des Pyramides. lêb désignait l'éléphant; les Grecs le traduisirent par Éléphantine. Cette désignation évoque l'ivoire, par extension le trafic commercial entre la Nubie et le Soudan. La première cataracte constitue une barrière naturelle entre l'Égypte et la Nubie, Éléphantine en devint une frontière politico-militaire.

Sous l'Ancien Empire, Éléphantine devint la capitale du Ier nome de Haute Égypte sous la protection du dieu des cataractes, le dieu-bélier Khnoum assisté de son épouse, la déesse Satis, et de sa fille, la déesse Anoukis.

Le dieu Khnoum enlaçant Thoutmosis III (île Éléphantine).

Les carrières de pierre qui entourent la ville fournirent aux pharaons un beau granit de teinte noire, rose ou grise, nécessaire à leur architecture, à leur statuaire et à des arts mineurs.

Le géographe grec Eratosthène (275-196 av. J.-C.), bibliothécaire à Alexandrie sous les Ptolémées, utilisa la parfaite situation de la ville - elle est située dans le voisinage du tropique du Cancer - pour calculer la circonférence de la terre. Il remarqua que les rayons du soleil atteignaient la verticale et ne laissaient pas d'ombre à Éléphantine lors du solstice d'été alors que le même jour à Alexandrie, un piquet vertical jetait une ombre montrant que le soleil était à 7° de son zénith. Connaissant la distance entre les deux villes, il calcula la circonférence totale de la Terre : ses résultats ne s'écartent que de quelques kilomètres de la réalité.

Pus tard, à l'époque chrétienne, la ville fut le siège d'un évêché. Ses périodes de prospérité, durant la domination des califes, furent souvent interrompues par les attaques des Bédouins pillards qui descendaient des régions désertiques limitrophes, et cela jusqu'en 1517, lorsque le sultan ottoman Sélim établît une garnison dans la ville. Plus tard, Assouan servit de base à Kitchener pour sa conquête du Soudan, en 1896-1898.

Un plaisir du tourisme

En raison de son climat sec, de son air pur et de son ciel d'un bleu cru, Assouan resta longtemps une station d'hiver recherchée par les voyageurs. On la recommandait pour soigner l'asthme et certaines maladies de peau, en raison de la présence de sables légèrement radioactifs.

Aujourd'hui, cette réputation semble s'émousser car la ville s'industrialise de plus en plus : constructions bétonnées, usines de fabriques d'engrais azotés, fonderies, sans oublier le Grand barrage sur le Nil. Tout cela a modifié la ville, son environnement, son écologie ainsi que son climat.

Malgré ces problèmes, Assouan reste une ville de détente de caractère africain, avec des paysages de rêve, une ville éblouissante même si elle conserve peu de monuments anciens. Le charme de ses petites rues et de son souk, sa situation sur le Nil sillonné par de multiples felouques à voiles déployées, ses jardins aux grands hibiscus, font d'Assouan une ville de calme, un lieu de villégiature idéal après les épuisantes visites des temples et des musées.

Les carrières

Assouan fut un grand producteur de granit grâce à la diversité des teintes de cette roche. Le granit rose, avec de gros cristaux de feldspath rose est le symbole du feu; il fut employé pour la statuaire, les obélisques et certaines parties des pyramides (salle funéraire). Le granit noir, apprécié sous le Moyen Empire, symbolisa la vie car on compara sa couleur au limon et aux eaux sombres du Nil.

C'est dans une carrière qui fut exploitée depuis la VIe dynastie jusqu'à l'époque gréco-romaine, qu'est toujours en place le célèbre obélisque inachevé, avec une face inférieure qui n'a jamais été détachée du rocher originel. Cet obélisque a une longueur de 41,75 mètres et un poids de 1187 tonnes; il surpasse celui de la reine Hatshepsout à Karnak, le plus grand connu en Égypte, et qui mesure 30 mètres de haut. On ne reconnut que plus tard les fissures qui menaçaient la pierre, critère de mauvaise qualité, et qui mirent fin au travail entrepris. On tenta de le réduire car on peut voir le tracé d'un nouveau pyramidion, visible sur la pointe encore engagée de la roche. On y renonça. Sur cet obélisque, on peut mieux examiner les techniques de travail des anciens tailleurs de pierre égyptiens.

L'obélisque inachevé.

La naissance d'un obélisque

 

Le petit barrage

Après la visite de la carrière, en continuant vers le sud, on parvient, cinq kilomètres plus loin, à l'ancien barrage d'Assouan, the Old Dam. Construit au début du siècle (1898-1902) et inauguré par les Anglais, ce "Petit barrage" d'Assouan fut longtemps admiré comme l'un des plus grands barrages de l'époque, jusqu'à ce qu'il recule au second rang et perde de son importance du fait de la construction du Grand barrage.

Le Petit barrage a été construit avec des blocs de granit provenant des carrières voisines; il fut deux fois surélevé (en 1912 et en 1934) jusqu'à atteindre une hauteur d'environ 50 mètres. Sa longueur est de près de 200 m, sa largeur à la base est de près de 30 m et au sommet de 11 m. On pouvait réguler le débit de l'eau grâce à 180 vannes. Au début de la crue, à la fin du mois de juin, toutes les portes étaient ouvertes; le flot limoneux recouvrait alors les champs. Lorsque le flot commençait à baisser, les portes des vannes étaient peu à peu fermées; le réservoir de retenue se remplissait (il atteignait plus de 5 milliards de m3 d'eau). Une usine hydroélectrique est installée sur la rive gauche. Cette technologie fut bouleversée avec la construction du nouveau barrage.

The Old Dam.

Le Grand barrage

Dès 1954, le président Gamal Abder Nasser avait projeté la construction d'un nouveau barrage afin de régulariser le cours du Nil. Déjà l'augmentation de la population avait changé les données du problème : l'Égypte avait besoin de plus de terres cultivables. Bonaparte n'avait-il pas déjà déclaré bien avant :
"Si j'étais quelqu'un dans le pays, aucune goutte d'eau ne coulerait jusqu'à la mer !"

C'est donc le 9 janvier 1960, à 6 km au sud de l'ancien barrage construit par les Britanniques, qu'on entreprit la construction du Sadd el-Ali ("la Haute Digue"). Il fut inauguré par le président Sadate le 15 janvier 1971.

Le financement devait être, au départ, américain, mais la nationalisation du Canal et l'expédition de Suez tendirent les relations diplomatiques. Finalement, des firmes d'Allemagne de l'Ouest conçurent les plans du barrage qui furent par la suite repris et modifiés par l'URSS du président Krouchtchev, qui, par la même occasion, assura le financement.

Par suite d'une élévation de l'eau de 121 m à plus de 183 m au-dessus du niveau de la mer, toute une population nubienne de plus de 80 000 personnes dut être réinstallée au nord de la région d'Assouan.

Le Grand barrage.

Le Grand barrage (ou Sadd ad-Ali), oeuvre digne d'une commande de pharaon, est l'un des plus grands du monde. 35 000 personnes y ont travaillé 24 heures sur 24 pendant cinq ans. C'est un barrage-poids à profil triangulaire, résistant à la poussée de l'eau par sa propre masse. Il a une longueur de 3 600 m à sa crête; une épaisseur de 40 m au sommet et 980 m à la base. Haut de 111 m, il est renforcé en son milieu par un rideau d'étanchéité qui s'enfonce dans le lit du Nil à travers 200 m de dépôt alluvionnaires jusqu'au socle cristallin.

Lorsque le lac Nasser est entièrement rempli, le plan d'eau atteint 183 m de haut. Le lac Nasser est long de quelque 500 km, large en moyenne de 10 km. C'est le plus grand bassin artificiel du monde.

La construction a nécessité un volume de 42,7 millions de m3 de matériaux divers (blocs de granit, sable, gravier, argile, limon...), soit dix-sept fois le volume de la pyramide de Khéops !

La visite du barrage permet de s'arrêter sur la digue avec d'un côté la vue sur la rive occidentale du lac Nasser et le temple de Kalabshah et de l'autre côté, la vue sur les installations hydro-électriques. Les photos sont (en principe) interdites.

Avantages du Haut barrage

Le Haut barrage a permis de gagner sur le désert, entre Minieh et Sohag, 352 000 ha et de convertir 360 000 ha du Fayoum de l'irrigation par bassin à l'irrigation pérenne, doublant le rendement.

On a pu largement accélérer l'industrialisation du pays grâce à l'accroissement de la production d'électricité qui atteint 10 milliards de kilowatts-heure par an. La digue sert en outre de protection contre les crues excessives.

Inconvénients

Mais la digue empêche la circulation des masses limoneuses qui servaient d'engrais naturel pour les champs égyptiens, ce qui a pour conséquence de faire régresser les terres cultivables et d'utiliser des engrais chimiques qui non seulement polluent l'environnement, mais introduisent une salinité dans la nappe phréatique.

L'accroissement de l'humidité a des effets fâcheux pour certains sites archéologiques; ainsi à Karnak et dans la Vallée des Rois, la hausse du niveau du fleuve a fait remonter l'eau par capillarité, le salpêtre s'attaquant à certains temples; de plus, l'humidité qui a fait place à un air très sec, dégrade les fresques peintes des tombeaux de la nécropole thébaine.

Les canaux d'irrigation remplis en permanence n'ont pu que développer la bilharzioze, devenue aujourd'hui endémique.

Le musée de Nubie

Ce musée très moderne, abritant 2 000 pièces, permet de mieux connaître l'histoire de cette région, en partie amputée par la construction du Grand barrage.

Ankhnesneferibre, fille d'un roi saïte, dernière prêtresse d'Amon - 26e dynastie.

Musée nubien

L'hôtel Old Cataract

L'hôtel Old Cataract.

 
Ce palace de style victorien à l'extérieur est situé sur la corniche d'Assouan, en face de l'île Éléphantine et non loin du musée Nubien.

Construit en 1899 et entièrement rénové en 1992, ce palais royal destiné à recevoir les hôtes de marque sera reconverti en hôtel de luxe après le changement de régime; il est aujourd'hui géré par le groupe Accor sous l'enseigne Sofitel. Le charme oriental est partout présent : moucharabieh, marbre poli, vitraux teintés, plafonds voûtés polychromes et dômes. L'hôtel a été fréquenté par de nombreuses personnalités parmi lesquelles Agatha Christie (elle y écrira une partie de "Mort sur le Nil" en 1933), Winston Churchill et, plus récemment, François Mitterrand qui y séjournera quelques jours avant sa mort.

L'île Éléphantine

L'île Éléphantine, l'ancienne Yebu (ou éléphant), site primitif de la ville, est longue de 1 500 m et large de 500m. C'est sur cette île que la tradition situait la grotte où, entre deux rochers, se produisait annuellement l'inondation.

En pleine ville d'Éléphantine, sur la partie sud de l'île, se dressait l'enceinte sacrée du temple de Khnoum. Il fut agrandi et embelli par les derniers pharaons, les Ptolémées, puis les Romains. Les constructions de la ville et du temple furent en grande partie ruinées en 1822 par le gouvernement turc. Du grand temple, il ne reste qu'une porte édifiée par le fils d'Alexandre le Grand.

 

Les restes du temple de Khnoum.

 

Le temple de Satis, épouse de Khnoum, construit sous le règne d'Hatshepsout.

Le nilomètre, d'époque romaine, est situé à proximité du débarcadère. C'est une sorte de puits constitué de blocs solides, en liaison avec le Nil par un escalier. Des échelles graduées le long de cet escalier de 90 marches permettaient de lire la hauteur des eaux. Certaines inscriptions évoquent des crues mémorables depuis le règne d'Auguste (27à 14 av. J.-C.) jusqu'à celui de Septime Sévère (193-211).
L'évaluation du niveau des crues permettait de savoir si la récolte serait fructueuse et de calculer le montant des impositions fiscales.

Le nilomètre d'Assouan.

Le mausolée de l'Agha Khan

La rive gauche du Nil est dominée par le mausolée de l'Agha Khan (1877-1957), chef religieux (48ème imam) de la secte musulmane chiite des ismaéliens nizarites. Cette secte regroupe 4 millions de fidèles, surtout au Pakistan. Plus bas, est située la belle maison blanche de la Begum où cette dernière résidait une partie de l'année.

L'imposant mausolée est construit en style néo-fatimide sur le modèle de la mosquée El-Gouyoushi construite sur le Mokkatam au Caire. Pour respecter le voeu du défunt, une rose rouge est déposée chaque jour sur le sarcophage.

Le monastère Saint-Siméon

Situé sur la rive gauche du Nil, ce couvent, nommé en arabe Deir Amba Samaan, d'après le nom Amba Hadra, un saint homme local qui devint évêque de Syène, constitue l'un des plus grands monastères coptes et l'un des mieux conservés du pays.

Les tombeaux rupestres

Les tombeaux rupestres surmontés par le belvédère de Qoubbet el-Hawa (tombe du cheikh).

Sur la rive gauche du Nil, étagés sur plusieurs terrasses au flanc de la montagne, sont creusés une quarantaine d'hypogées de princes et de grands personnages d'Éléphantine. Ils sont contemporains de l'Ancien et du Moyen Empire. On peut les reconnaître de loin aux escaliers encadrant la rampe qui servait au transport du mobilier funéraire depuis la rive.

L'île Kitchener

Cette île appelée également "île des fleurs", connue sous le nom de Geziret el-Nabatat, est un jardin agréable, un véritable musée en plein air aux raretés botaniques venues d'Extême-Orient et d'Afrique. L'île dépendait autrefois de Lord Kitchener (1850-1916), général anglais chargé d'instruire l'armée égyptienne et consul.

 

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