Medinet Habou : le grand temple (fin)

 

Le sanctuaire d’Amon

Pour sortir de cette cour et progresser vers le temple couvert, il faut grimper une rampe en pente douce. Le sol s'élève, l'âme aussi. Nous allons bientôt accéder à de nouveaux mystères, en quittant ces espaces à ciel ouvert. Devant ce seuil, une rangée de piliers, puis une autre de colonnes papyriformes: on passe de formes brutes à des formes végétales, marquant un épanouissement. Ici se trouve l'accès au temple fermé: preuve en est la présence de Ramsès III qu'Atoum, le créateur, et Montou, le dieu guerrier de Thèbes, conduisent vers le sanctuaire. De plus, le roi est purifié, couronné, reconnu comme souverain. Le terme de son parcours de chef de guerre est atteint. A présent, il entre dans le domaine de la royauté en esprit.

Le temple fermé est malheureusement la partie la moins bien conservée de Medinet-Habou. Les toits ont disparu. Ce qui devait demeurer dans une demi-pénombre est aujourd'hui ouvert à tous vents. Sensation un peu triste, qui exige de nous un effort d'imagination pour percevoir l'ordonnance première du temple. Il y avait trois salles à colonnes, en ligne droite, aboutissant au Saint des saints, et symbolisant trois étapes vers la Connaissance: 24 colonnes pour la première, 8 pour chacune des deux suivantes, et 4 piliers carrés pour le sanctuaire. Autour de cet axe central, épine dorsale du temple, 41 chapelles avec leurs fonctions propres.

La première grande salle à colonnes, dont il ne subsiste plus que le bas, est très ruinée. Dans la partie inférieure des murs est et sud, nous assistons à nouveau à la purification du pharaon, à son entrée dans le temple intérieur et à son couronnement: ce qui était annoncé s'est réalisé. Tout se passe comme si l'image du roi avait traversé les murs du portique, franchi sans peine la frontière de pierre.

Première grande salle à colonnes.

 

Le cartouche de Ramsès III.

 

A gauche de cette grande salle, les cinq chapelles du Trésor, qui ont conservé leur toit (n° 10 sur le plan). Ramsès III offre à Amon les produits les plus précieux, les plus raffinés, allant des pierres précieuses et de l'or à des chefs-d'œuvre d'orfèvrerie, des coffrets aux formes d'animaux, des bijoux, des instruments de musique en or massif. Ici, d'après les reliefs, s'effectuait la pesée de l'or. Les Égyptiens avaient une conception très stricte du luxe et de la richesse. Ils étaient essentiellement réservés aux dieux et aux temples. Nobles et dignitaires avaient droit aux plus belles parures dans le cadre de leurs fonctions rituelles. Les sages estimaient que la richesse mise entre les mains des individus, conduisait à la décadence d'un État.

A droite de la grande salle à colonnes, des chapelles de culte pour Ptah, Sokaris et le roi divinisé (n° 11). Ptah et Sokaris sont des divinités de Memphis, étroitement liées aux activités artisanales.

Ramsès III offre des gâteaux à Sokaris.

 

Derrière ces chapelles, l'abattoir (n° 12). Ce n'est pas là que les bouchers, dont les supérieurs étaient des prêtres initiés, tuaient les animaux destinés au sacrifice; on déposait sur un autel les pièces de choix, celles qui contenaient un maximum d'énergie dont les dieux absorbaient l'aspect subtil avant que la viande fût consommée par les humains.

A gauche de la seconde salle à colonnes (n° 13), l'appartement funéraire de Ramsès III (n° 14) où, comme dans une tombe, la vie future est décrite. Pharaon est à nouveau couronné, mais cette fois dans l'autre monde. Une déesse inscrit son nom sur un grand arbre, pour qu'il croisse avec lui. Le nom, partie essentielle de l'être, connaîtra le même développement que le perséa sacré, l'arbre immortel de la cité d'Héliopolis. Comme tous les bienheureux, Ramsès III vogue en barque sur les canaux et sur les lacs de l'au-delà. Il gagne les champs paradisiaques où on le voit procéder lui-même au labourage et à la récolte des blés murs. Grande perspective de la religion égyptienne: de l'autre côté nous attend un autre travail, toujours positif, toujours créateur, sans son aspect pénible et fatigant.

Pharaon laboure la terre dans les "Sekhet Iarou" (champs des roseaux).

A cet aspect funéraire répond, à droite de la seconde salle à colonnes, un temple solaire (n° 15 sur le plan) avec une cour à ciel ouvert et un autel. L'âme du roi y recevait les rayons bienfaisants de l'astre du jour auquel il présentait des sacrifices.

De part et d'autre du Saint des saints (n° 17), auquel mène la troisième salle à colonnes (n° 16), on trouve des chapelles dédiées à Mout et à Khonsou, divinités particulièrement à l'honneur à Thèbes. Au centre, dans le Saint des saints, reposait la barque d'Amon. La triade majeure de Thèbes (Amon le père, Mout la mère, Khonsou le fils) était ainsi reconstituée.

C'est dans le silence et la pénombre que le roi rencontrait Thot, maître de la science sacrée, et Maât, régente de l'harmonie universelle. Le roi guerrier avait déposé ses armes pour devenir un homme de Connaissance qui, sous la conduite de ces deux guides, accédait aux grands mystères.

Amon respirant les fleurs de lotus et Mout.

 

 

Les salles Osiriennes

Une suite de salles à gauche de la seconde salle hypostyle, appelées "salles osiriennes". Les thèmes sont tirés du Livre des Morts. 

 

Pharaon en adoration devant le dieu Hapy et l'oiseau Bénou. 
La survie de l'Égypte tient en grande partie à la régularité de l'inondation, symbolisée par Hapy.

 

Les Sept Vaches (un des chapitres les plus importants du Livre des Morts) symbolisent les sept bonnes crues consécutives du Nil, associées au taureau fécondateur.

 

 

Premier pylône (revers côté palais) : la chasse aux taureaux sauvages

 

La chasse aux taureaux : un gigantesque tableau impressionnant de force et de réalisme.

 

Le palais royal

Pour apprécier la portée guerrière et militaire de la première grande cour, il faut savoir que, au sud, se trouvait la palais de Ramsès III qui y séjournait lorsqu'il venait à Medinet Habou. Il y disposait d'une salle d'audience, d'une chambre à coucher et d'une salle de bains. Les murs intérieurs étaient décorés de carreaux de faïence. De sa "fenêtre d'apparition", il contemplait les rites s'accomplissant dans la cour et distribuait récompenses et décorations, notamment des colliers d'or, à ceux qui avaient bien mérité de l'Égypte.

Salle d’audience du palais : emplacement du trône de Ramsès III.

 

Lac sacré et nilomètre

Tout près de l'ancienne construction de Hatshepsout, coincé entre celle-ci et le mur d'enceinte, se trouve l'emplacement du lac sacré, symbole des ondes primordiales et dont les eaux participaient aux rites de purification. Dans le prolongement de ce lac, un peu plus au nord, restent les vestiges d'un nilomètre.

Le mur d'enceinte en briques.

 

Medinet Habou, un grand centre administratif

Sous le règne de Ramsès III, son temple de Medinet Habou fut le siège administratif du gouvernement et une ville s’y développa, important centre économique thébain. On y trouvait des magasins, les habitations des prêtres, des bureaux, une caserne et tout ce qui contribue à la vie quotidienne d’une cité. Mais Medinet Habou s’étendait bien plus loin que les limites de ses propres murailles. On évalue le personnel à son service à près de 65 000 personnes oeuvrant soit sur place, soit dans les nombreuses dépendances de la région ou parfois, beaucoup plus loin comme dans la région du Delta où Medinet Habou possédait de nombreux troupeaux et de belles vignes.

Les remparts de Medinet Habou furent aussi les premiers à voir se manifester les toutes premières grèves de l’histoire, traductions légitimes du mécontentement des ouvriers de Deir el-Medineh venus chercher auprès de l’autorité royale le paiement de leurs salaires qu’ils étaient en droit d‘exiger et que certains fonctionnaires bien peu scrupuleux avaient détournés à leur profit. Les manifestants "se couchaient" comme l’on avait coutume de dire à cette époque, attendant patiemment au pied de la forteresse que leurs revendications soient entendues.

 

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