L'énigme de la construction des pyramides

 

Carrière de pierres au pied des pyramides.

De l'acheminement des pierres à la pose du revêtement  de finition, l'énigme reste entière car rien de permet de conforter telle hypothèse avancée plutôt que telle autre. Tout au plus, eu égard aux techniques connues et usitées à l'époque, certaines suppositions peuvent sembler plus crédibles que d'autres.

À bien analyser la structure de ces édifices, le constat est évident : les pyramides témoignent d'une maîtrise parfaite des techniques architecturales et des méthodes de construction. Les principales théories retenues reposent sur des procédés ne demandant ni bois (trop rare en Égypte pour être employé massivement), ni fer (non connu ou, du moins, non utilisé à l'époque), ni roue (introduite en Égypte par les Hyksôs, vers 1750 av. J.-C.). Ainsi, compte tenu de ces éléments et de la nature sablonneuse du terrain, il faut impérativement exclure l'emploi de câbles, de rondins, de poulies, de machines et de chars à roue. Que reste-t-il ?

La méthode de rampes en brique crue

L'hypothèse la plus fréquemment avancée est celle qui repose sur l'emploi de rampes en brique crue, technique utilisée à toutes les époques de l'histoire égyptienne. Parmi tous les types de rampes proposées, seule la rampe hélicoïdale semble satisfaisante. Elle repose sur l'idée d'une chaussée grimpant en colimaçon autour de l'édifice, surélevée en même temps que le monument lui-même.

Technique de la rampe hélicoïdale.

Ce procédé permet de gérer aisément le ravalement du monument, problème non résolu dans les autres propositions. dans le cas présent, une fois les derniers blocs posés au sommet, la pyramide se trouve prise dans une grosse masse de terre qu'il faut dégager. Le démontage de l'échafaudage s'effectue dans le sens inverse de la pose, soit du haut vers le bas. Ainsi, au fur et à mesure que l'on débarrasse les blocs de leur gangue de terre, on peut, sans grande difficulté, procéder à leur ravalement. Cependant, cette rampe enveloppante reste assez peu commode car, si elle est trop étroite, elle ne laisse pas une marge de manoeuvre très importante aux ouvriers, en particulier aux angles du bâtiment. Si l'on veut éviter ce problème de gêne et d'insécurité pour les travailleurs, on évalue à 14 m la largeur utile de la chaussée, ce qui représente un travail supplémentaire assez considérable : chez Khéops, le volume de brique crue nécessaire pour construire cette rampe serait de 396 881 m3 !

 

La méthode par tirage ("pull-up method")

La méthode avancée par Charles Rigano dans le numéro Ostracon du printemps 2006 - publication de l'Egyptian Study Society - est celle du tirage des blocs le long d'une paroi de la pyramide, après que la pyramide ait atteint une certaine hauteur obtenue à l'aide de petites rampes.

Après avoir évalué que la méthode de rampes conduit à un volume de rampe trop important (ainsi quand le volume de la pyramide de Kheops atteint 90%, le volume de la rampe serait de 1,4 fois celui de la pyramide), il fait le constat qu'il ne reste aucune trace de rampes.

Par contre, en observant la face nord de la pyramide de Mykérinos, il remarque que les blocs de granit qui recouvrent les blocs de calcaire pour la finition sont taillés en laissant une forte excroissance bombée (voir photo ci-dessous).

Les blocs de la face nord de la pyramide de Mykérinos présentent une face très bombée au-delà du niveau rectiligne d'alignement.

Pourquoi cette excroissance bombée ? il était plus facile pour les artisans de lisser la face extérieure des blocs sur le lieu du chantier plutôt que sur la pyramide elle-même. De plus, sans ce surplus de poids, les blocs auraient été plus faciles à transporter...

D'autres exemples de tels blocs se trouvent sur la face sud de la pyramide satellite GIII-a de Mykérinos ainsi que de la pyramide satellite sud GI-c de Khéops.

Par contre, dans le temple funéraire de Mykérinos, les blocs de granit présentent une surface lisse avec seulement un petit renflement de protection des bords.

Quand Mykérinos est mort, son temple funéraire n'était pas terminé. Seuls quelques blocs de granit de couverture étaient en place. Au lieu de compléter cette façade en granit, son fils et successeur, Chepseskaf, fit couvrir les blocs de granit et compléta le temple avec une façade de boue de brique peinte. Préservés derrière cette couche de boue, les blocs de granit restent tels qu'ils étaient au moment de la mort de Mykérinos.

Les blocs de granit du temple funéraire de Mykérinos ont des faces lisses avec seulement un petit bord protecteur.

 

Pourquoi une telle différence dans la forme des blocs de granit entre la pyramide et le temple ?

Est-ce que ces renflements ont servi à supporter du matériel sur cette face des pyramides ? et si cette façade de blocs bombés avait été aménagée avec de la boue pour servir de toboggan pour tirer les blocs de pierre jusque sur le sommet plat de la pyramide en construction ? Des hommes ou des animaux auraient-ils pu tirer les blocs avec une telle méthode ?

Dans la Grande Pyramide, les blocs les plus lourds sont dans les niveaux du bas de la pyramide (de 3 à 12 tonnes) mais au-delà du 9ème niveau, à quelques exceptions près, les blocs deviennent bien plus petits, environ 1 à 2 tonnes, et dans les 100 derniers niveaux, ils pèsent en moyenne moins d'une tonne.

L'utilisation la plus raisonnable de la méthode de tirage serait de se servir de petites rampes pour construire les premiers niveaux avec les blocs les plus lourds puis de continuer la construction en tirant les blocs supérieurs plus légers le long du côté de la pyramide.

Combien d'hommes seraient-ils nécessaires ?

Le nombre maximum d'ouvriers employés au tirage des blocs se situerait au début, lorsque le sommet plat de la pyramide serait le plus vaste. Au 10ème niveau de la Grande Pyramide, à environ 12m du sol, le sommet de la pyramide mesure environ 210m de côté, laissant l'espace pour 17 lignes de tirage vers le haut de 6m de large chacune et autant de lignes de descente. Utilisant 64 hommes chacune, ce serait un total de 1088 hommes qui seraient employés au tirage des blocs vers le haut. Plus le niveau de la pyramide monte, plus le nombre d'ouvriers diminue. Probablement, les hommes les plus forts étaient employés quand on approchait du sommet de la pyramide.

Les blocs de calcaire sont tirés dans des traîneaux le long d'un côté de la pyramide, amenés jusqu'à un point de déchargement, puis les traîneaux vides sont redescendus. © Charles Rigano

Avec une telle méthode, la durée de construction de la Grand Pyramide peut être estimée à moins de 9 ans.

Une méthode sans trace

Cette méthode ne laisse aucune trace et ne requière aucune installation monumentale qui aurait pu faire l'objet de dessins dans les tombes des chefs de chantier, ce que l'on recherche vainement pour les autres méthodes à base de rampes. Et si, comme Mykérinos, le roi mourait avant que la construction de sa pyramide soit achevée, il ne resterait qu'une couche de boue qui, si elle n'était pas ôtée manuellement, le serait au fil du temps par le vent et la pluie.

Cette méthode pourrait donc bien être la méthode cachée derrière le fait qu'aucune trace ne subsiste de la mystérieuse méthode de construction des pyramides...

 

La méthode des fausses pierres

Une thèse ancienne

1720 : Paul Lucas, un diplomate de Louis XIV, écrit que le revêtement des pyramides serait en ciment et non en pierres.

1979 : Le chimiste français Joseph Davidovits défend la théorie de la pierre agglomérée.

1992 : Le physicien belge Guy Demortier entreprend des recherches qui l'amènent à adhérer à cette thèse.

2001 : La géologue Suzanne Raynaud et l'égyptologue amateur Joël Bertho réalisent une étude (relatée par Science et Vie) soulignant un certain nombre d'anomalies dans les échantillons prélevés sur plusieurs pyramides.

2006 : Les physiciens Michel Barsoum et Gilles Hug publient à leur tour une étude en décembre 2006.

Les traces d'une réaction chimique

Les échantillons provenant du revêtement extérieur de la pyramide de Khéops présentent une concentration en silicium et en magnésium bien supérieure à celle des échantillons de la carrière de Toura dont ils sont censés être issus.

Autre surprise, certains microconstituants, tels le silicate de magnésium, n'ont pas cristallisé comme dans des pierres naturelles. Tout incite donc à penser à un processus chimique se produisant à basse température. Et les chercheurs de conclure que les anciens Egyptiens étaient des chimistes hors pair qui auraient donc découvert le béton géopolymère.

Comment les Egyptiens auraient-ils fabriqué du béton ?

Les blocs agglomérés des pyramides seraient constitués de 93 à 97% d'agrégats de calcaire naturel et de 3 à 7% de liant.

Ce liant serait de l'argile kaolinitique présent dans le calcaire de Gizeh. Il se désagrège très facilement dans l'eau en une boue calcaire à laquelle les chimistes antiques auraient ajouté de la chaux éteinte provenant de la combustion du bois de palmier et du sel de natron, prélevé sur les évaporations du plateau au nord-ouest de Gizeh. En réagissant entre eux, ces ingrédients forment de la soude, laquelle dégrade l'argile kaolinitique et se transforme en une colle géologique permettant au mélange, lors du séchage, de se réagglomérer en pierre dure. La réaction se produit en milieu alcalin, avec un pH très élevé de l'ordre de 14, à cause de la soude caustique engendrée par le mélange natron-chaux. Des sels neutralisants comme la carnallite, riche en chlorure de magnésium, sont alors ajoutés au mélange pour faire baisser le pH et rendre le matériau composite moins corrosif, plus manipulable. Ces sels se trouvent aisément dans la nature sous forme d'évaporites.

La pâte ainsi obtenue est acheminée dans des sacs jusqu'à la pyramide. Déposée dans des coffrages, elle est damée et se solidifie définitivement. Une fois le coffrage retiré, la "fausse pierre" est terminée.

Les Egyptologues restent sceptiques

La plupart des égyptologues pensent que recourir à des pierres artificielles semble inutilement compliqué, le chef de chantier disposant de matériaux en suffisance, d'une main-d'oeuvre à faible coût et de la "technologie adéquate".

Une logistique considérablement allégée

Or, le recours aux fausses pierres présente plus d'un avantage pratique. Pour déplacer, tailler et agencer les 2 500 000 m3 de la grande pyramide, il ne faut pas moins de 25 000 à 100 000 ouvriers.

Si les blocs avaient été agglomérés, nul besoin de tailler au millimètre près les pierres pour les ajuster les unes aux autres à la perfection, ni de construire de monumentales rampes pour les acheminer au sommet de la pyramide en construction, ni de déployer d'immenses efforts pour les hisser à la bonne hauteur sans l'aide de poulie, celle-ci n'ayant été inventée que plus tard...

Alors que 2 000 hommes à peine auraient pu préparer le géopolymère en profitant de la crue du Nil, le transporter et le couler. Un effectif compatible avec celui de quelques milliers estimé par l'égyptologue américain Marc Lehner, après avoir mené la fouille du village d'ouvriers de Gizeh, comme étant le nombre maximal d'artisans présents sur le site.

Mais l'argument de suffit toujours pas à convaincre la communauté des égyptologues. "On ne lutte pas contre deux siècles de certitude égyptologique sans démonstration rigoureuse." dit Jean-Pierre Corteggiani, de l'Institut Français d'Archéologie du Caire.

L'observation de la maçonnerie des pyramides appuie également cette hypothèse : malgré des angles irréguliers, les pierres semblent parfaitement ajustées. Comment expliquer que des blocs de plusieurs tonnes aient pu être taillés avec autant de minutie ? La finesse de la séparation entre deux pierres a toujours étonné les égyptologues. Certains y voient l'habileté des tailleurs de pierre, d'autres la rétraction d'un béton qui a séché...

Autre constatation faite in situ, les effets de l'érosion sont plus marqués sur la partie supérieure des blocs des pyramides qui présente un aspect spongieux que sur leur base. Pour Joseph Davidovits, l'explication est simple : au fur et à mesure que le mélange des agrégats se combine avec l'eau dans le moule, les matériaux les plus lourds se concentrent vers le bas. La partie inférieure du bloc est donc plus dense et résiste mieux à l'érosion.

Reste à effectuer des prélèvements officiels

Mais la démonstration des tenants de la fausse pierre ne sera complète que lorsqu'ils obtiendront enfin l'autorisation d'effectuer des prélèvements officiels pour valider leur théorie. Car là réside encore le point faible de ce bel édifice échafaudé par la science : il ne repose que sur une poignée de pierres prélevées par les scientifiques et quelques égyptologues amateurs. Toutes les demandes répétées ont jusqu'à présent été rejetées ou ignorées par les autorités égyptiennes...

Actualités : la découverte des papyrus de Ouadi el Jarf

Cette théorie des fausses pierres est invalidée depuis la découverte par l'égyptoloque Pierre Tallet sur le site de Ouadi el-Jarf, sur les bords de la Mer Rouge.

En 2013, environ 800 fragments de papyrus (dans un état assez médiocre) y ont été trouvés datant de la dernière année du règne de Kheops.

Ces fragments représentaient 20 à 30 rouleaux de papyrus, les plus anciens connus dans le monde.

Ils constituaient le journal de bord de Merer, un inspecteur en charge du transport des pierres de parement de la pyramide de Kheops depuis les carrières de calcaire de Tourah (situé sur la rive est du Nil, à environ 20 km de Gizeh) vers le site de Gizeh, en profitant des crues du Nil.

Un grand canal avait été creusé entre le Nil et le port de Gizeh contrôlait l’ouverture du lac artificiel du port de Gizeh, pour livrer les blocs au pied de la pyramide.

Ce travail s'effecfuait sur un cycle de 4 à 5 jours : tractage et chargement des pierres (3 à 4 jours) + transport (1 à 2 jours).

Le poids moyen d’un bloc étant estimé à 1,5 t, la charge d’un bateau devait se situer entre 35 à 70 t -> estimation de 30 à 40 blocs sur ces bateaux.

Pierre Tallet : les papyrus de la Mer Rouge - journal de bord de Merer

Interview France Culture de Pierre Tallet : les papyrus de la Mer Rouge (sept 2017)

 

Réalité des techniques au temps des pharaons

par Jean-Claude Golvin, Directeur de Recherche au CNRS, Institut Ausonius, Université de Bordeaux-III

L'étude des multiples monuments antiques égyptiens sur une longue période permet le recul nécessaire pour que soient énoncés les grands principes de la construction pharaonique, respectés à toutes les époques.

Le transport

L'acheminement sur de grandes distances de gros blocs extraits des carrières s'est fait par le Nil et les canaux, mais la distance terrestre à couvrir du quai de débarquement au chantier nécessitait l'aménagement de voies. Les blocs, d'un poids considérable (quelques tonnes pour les plus courants; quelques dizaines de tonnes pour les plus gros; jusqu'à 450 tonnes pour les obélisques), n'ont été déplacés que par un seul moyen : le glissement au sol sur des traîneaux de bois. Les anciens Égyptiens n'ont jamais utilisé de système de levage ou de grues, de palans ou de cabestans, même à l'époque romaine.

Des traîneaux tirés par des hommes étaient déplacés sur des voies régularisées, dont le sol était renforcé de traverses de bois (pièces de bateaux réformées et récupérables) - on en a retrouvé à Licht. Elles étaient noyées dans une épaisse couche de limon. En arrosant devant les patins, on pouvait faire glisser le traîneau sans transformer la glissière en bourbier. Des scènes précises de l'Ancien, du Moyen et du Nouvel Empire illustrent à l'envi l'emploi de ce procédé; les outils utilisés sont également connus, comme les vestiges en place qui en confirment l'usage.

Aucun moyen n'était plus sûr, car dès qu'on cessait d'arroser le sol devant les patins, la charge s'immobilisait. En outre, celle-ci ne risquait pas de prendre de vitesse quand elle se déplaçait. Les voies montaient vers le monument en construction s'il se trouvait en position élevée. On en a retrouvé les traces notamment à Dachour.

L'échafaudage massif

Sur le chantier, après avoir assuré la construction d'une première assise horizontale, il fallait surélever l'aire de travail pour poser la suivante. Cette plate-forme, indispensable à la pose et impérativement horizontale, montait donc progressivement, assise par assise, pour accompagner la progression du monument en hauteur. Elle était composée de briques crues, constituant un échafaudage massif capable de supporter de lourdes charges. Ce type d'échafaudage subsiste au premier pylône de Karnak, monument commencé par Nectanébo (IVe siècle avant J?-C.), resté inachevé. Il permet d'observer des structures importantes qui ont été supprimées en fin de chantier dans le cas des édifices achevés. On se rend compte sur cet exemple, des dimensions considérables des structures provisoires réalisées. L'échafaudage massif est évoqué aussi dans la tombe de Rekhmirê.

Plan général de  l'échafaudage du premier pylône du temple de Karnak.

La rampe

La plate-forme s'élevant, il fallait construire une rampe pour continuer d'y accéder. Celle-ci s'élevait et s'allongeait progressivement. Ses vestiges sont conservés à Karnak. Échafaudage et rampe ne doivent donc pas être confondus : il s'agit de deux structures distinctes et complémentaires, aux formes et aux fonctions différentes.

L'organisation

Un chantier pharaonique était double. Deux grands corps de métier travaillaient parallèlement : l'un s'occupait de la taille de la pierre et de la pose de la pierre, l'autre surélevait les plates-formes et les rampes de brique crue.

On sait que les joints des blocs des murs étaient taillés sur l'échafaudage lourd et que les pierres n'étaient préparées que par petites séries, peu avant la pose, puis placées sur le mur et glissées vers leur emplacement définitif, sur une couche de plâtre mort. Celle-ci servait de lubrifiant quand elle était humide et d'élément répartiteur des charges une fois sèche. L'observation des monuments révèle que la position des blocs de parement était indiquée avec précision par une ligne incisée sur le sommet de l'assise déjà posée. Cela prouve que la "géométrie" du monument était parfaitement définie et contrôlée au fur et à mesure des progrès de la construction.

Le parement des blocs posés conservait un gros bossage, supprimé au moment du démontage des échafaudages lourds, au cours de la phase de ravalement. Cette opération ne pouvait s'effectuer que face à l'édifice, ce qui ne posait guère de problème puisque les ouvriers disposaient à nouveau d'une plate-forme de travail extérieure : progressivement démontés, les lourds échafaudages devenaient ainsi utiles pour la deuxième fois. Les briques retirées pouvaient elles aussi être réutilisées ailleurs, si bien que le chantier ne laissait normalement aucun déchet ni aucune trace. Venait en dernier lieu la phase de décoration, au cours de laquelle dessinateurs, sculpteurs et peintres intervenaient.

La main d'oeuvre et les outils

Le principe du chantier pharaonique était d'employer une main-d'oeuvre non spécialisée, nombreuse, économique et capable d'effectuer des tâches simples et répétitives, mais bien encadrée. On faisait également intervenir des corps de métier spécialisés, géomètres, tailleurs de pierre, maçons, etc. Les outils utilisés de tout temps sont étonnamment simples et bien connus : maillets, ciseaux, leviers, équerre, fil à plomb, outils de visée, scies, trépans, paniers, traîneaux, cordages. La qualité d'exécution révèle un immense talent, si l'on songe, par exemple, à l'extrême finesse des joints du revêtement de la grande pyramide ou à la qualité de la statuaire : le fruit d'une parfaite maîtrise de techniques simples et efficaces.

Recherche scientifique

Il reste à accomplir un travail de recherche scientifique considérable sur les sites. Les abords de nombreuses pyramides ne sont pas fouillés, or là se trouvent des documents écrits très nombreux et probablement d'autres vestiges de structures constructives provisoires. Il faudra étudier de manière plus approfondie la structure interne des pyramides quand les progrès de la technologie permettront d'examiner le coeur des édifices sans devoir les démonter. Des données nouvelles sont indispensables pour répondre aux questions qui restent posées. Mais une chose est sûre : personne ne risque de découvrir le secret des pyramides car l'idée est fausse et l'attente est vaine. Il nous faut simplement apprendre davantage sur les techniques de construction pharaoniques, ce qui demandera des décennies d'efforts sur le terrain. L'étude de ces monuments millénaires sera encore très longue : "Travaillez, prenez de la peine : c'est le fonds qui manque le moins."

Théorie de Jean-Pierre Houdin

Le 30 mars 2007, Dassault Systèmes, l’un des premiers éditeurs mondiaux de solutions 3D, et l’architecte Jean-Pierre Houdin dévoilent la première théorie consacrée à la construction de la pyramide de Kheops validée scientifiquement.

 

Cette théorie repose sur trois piliers : 

La collaboration entre Jean-Pierre Houdin et Dassault Systèmes s’inscrivant dans une démarche scientifique, la prochaine étape consistera à effectuer dans les mois à venir une mission sur le terrain, afin d’apporter la preuve formelle à cette théorie.

 

Des preuves

- Sur le plateau de Saqqâra, à Abu Ghurab, le temple solaire de Niuserre, pharaon de la Ve dynastie (qui a aussi construit une pyramide à Abousir), est démantelé mais, comme l'indique un ancien plan de sa construction, Jean-Pierre Houdin et Bob Drier y ont retrouvé les restes d'une rampe intérieure, preuve que les Egyptiens savaient utiliser ce type de structure.

 - Une campagne de recherche par microgravimétrie engagée en 1986/87 sous l'égide de la Fondation EDF a permis de connaître plus précisément  la densité de la pyramide qui est plus proche de 2t/m3 que des 2,5t/m3 jusqu'alors estimés : il manque donc 15% de la masse. Mais l'objectif de cette campagne étant de rechercher une hypothétique chambre funéraire proche de la Chambre de la Reine, les résultats furent jugés décevants, bien que d'importantes anomalies furent détectées :

 
Interprétation des mesures de microgravimétrie de la campagne de recherche de 1986 : en vert les zones de faible densité pouvant traduire la présence de cavités.   Plan du parcours intérieur de la rampe, selon Jean-Pierre Houdin

 

- Actualités : le 16 décembre 2008, un nouvel indice de taille a été dévoilé en faveur de ce scénario. En effet, l’archéologue américain Bob Drier, séduit par l'hypothèse de Houdin et qui a coécrit avec lui le livre Le Secret de la Grande Pyramide, a grimpé les marches étroites de la pyramide de Kheops jusqu'à une encoche située dans l'angle nord-est. Jean-Pierre Houdin y voit la trace possible de l'un des paliers qui auraient permis, à chaque angle, de faire tourner la rampe à angle droit.


 

Reconstitutions de la théorie de Jean-Pierre Houdin : un palier formant comme une encoche dans l’angle de la pyramide permet de tourner les blocs pour poursuivre l’ascension. (© Dassault Systèmes)


De fait, une fois parvenu à l'encoche, Bob Drier a découvert une fente ouvrant sur une cavité: pas un éboulement ou un trou creusé par des voleurs mais bien une pièce de 3mx3m. Pour Jean-Pierre Houdin, il s'agirait du palier où les ouvriers manoeuvraient les blocs de pierre. Pour en avoir le coeur net, il aimerait étudier la pyramide à l'aide d'une caméra thermique. Cependant pour cela il faut l'autorisation du patron des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, qui veille jalousement sur son trésor...
 

Sources :

- Guide de l'Égypte ancienne - Aude Gros de Beler et Jean-Claude Golvin (éditions Errance)

- Revue Ostracon printemps 2006 : How the pyramids were built : where the evidence and lack of evidence lead. Charles Rigano.

- Science&Vie décembre 2006.

- Le Point - hors série : l'Egypte pharaonique nov-déc 2007

 

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