Histoire de l'Égypte (8/9)

 

La domination anglaise (1882-1952)

Après la défaite d’Arabi Pacha, l’Égypte, qui dépend toujours théoriquement de l’Empire ottoman, se retrouve de fait sous la tutelle britannique. Des troupes anglaises sont stationnées en permanence dans le pays et des contrôleurs britanniques, placés sous l’autorité d’un représentant de Londres (Sir Evelyn Baring, futur lord Cromer, de 1883 à 1907, Kitchener de 1911 à 1914), doublent les ministres égyptiens.

18 janvier 1883 El-Obeid, capitale du Kordofan, est prise par les Mahdistes.

4 novembre 1883 Bataille de Shaykan. Une armée anglo-égyptienne commandée par le général anglais Hicks est écrasée par les troupes du Mahdi. Le Kordofan, le Dar Four et le Bahr el-Ghazal tombent aux mains des insurgés. Les Anglais décident alors d’évacuer le Soudan à l’exception de Khartoum et du port de Souakin sur la mer Rouge. Au sud, Emin Pacha se replie vers le lac Albert.

26 mai 1884 Les mahdistes prennent Berber et isolent Khartoum.

26 janvier 1885 Chute de Khartoum et mort de Gordon Pacha. Le Mahdi, qui a pris le titre de calife, meurt en juin mais son successeur, Abdallah, poursuit la guerre contre l’Égypte mais aussi l’Éthiopie qu’il ne peut conquérir entre 1891 et 1894.

1892-1914 Règne d’Abbas II, fils aîné de Tewfik.

1896-1899 Campagne du général Kitchener contre les mahdistes. Il remporte trois victoires consécutives : sur les bords de l’Atbara, affluent de la rive droite du Nil, le 8 avril 1898, celle de Karari, près d’Omdurman, le 2 septembre et, enfin, celle d’Umn Diwaykrat, au Kordofan, le 24 novembre 1899. Ces succès interviennent au moment où, venant de l’ouest, la mission française du capitaine Marchand a atteint Fachoda sur le Haut Nil, déclenchant en juillet 1898 une crise franco-anglaise finalement réglée par l’arrangement du 11 décembre suivant reconnaissant à l’Angleterre la souveraineté sur le Bahr el-Ghazal et par « l’Entente cordiale » de 1904 qui conduira Paris et Londres à convenir du « troc Maroc-Égypte », les deux gouvernements s’assurant leur mutuelle liberté d’action dans chacun de ces deux pays.

1898 Naissance du Parti nationaliste. Il est fondé par Mustapha Kamil qui crée en 1900 le journal Al – Liwa, « L’Etendard ». La révolte d’Arabi Pacha était avant tout un mouvement de réaction musulmane qui ne remettait pas en cause la suzeraineté turque. Son successeur à la tête du courant nationaliste, Abdullah al-Nadim, est sur la même ligne et Mustapha Kamil reste dans une démarche analogue en refusant de poser la question du califat détenu par le sultan ottoman et lui conférant un ascendant indiscutable sur tout autre pouvoir musulman.

18 janvier 1899 Signature de l’accord de condominium anglo-égyptien sur le Soudan.

1899 Création du premier syndicat égyptien, dans l’industrie de la cigarette.

10 décembre 1902 Inauguration du premier barrage d’Assouan.

1907 Création de L’Umma ou « Parti du Peuple » par des nationalistes libéraux et laïques convaincus qu’il faut accepter de négocier avec les Anglais pour obtenir l’indépendance.

19 décembre 1914 L’Angleterre profite de l’entrée en guerre de la Turquie aux côtés des Centraux pour imposer à l’Égypte un statut de protectorat. Les Britanniques déposent le khédive Abbas II Hilmi, qu’ils jugent trop indépendant, et le remplacent par son oncle Hussein qui prend le titre de sultan pour bien confirmer la fin de toute dépendance de l’Égypte par rapport aux Ottomans. L’Angleterre est représentée au Caire par un haut-commissaire ; le premier sera Sir Arthur Henry Mac-Mahon.

3 février 1915 Les forces turques de Djemal Pacha qui, venues de Syrie, se sont avancées en janvier dans le Sinaï¨pour attaquer le canal de Suez, sont contraintes au repli après l’échec subi à Toussoun.

13 novembre 1918 Trois parlementaires égyptiens, Saad Zaghloul, Ali Chaaraoui et Abdelaziz Fahmy, demandent à Sir Reginald Wingate, haut-commissaire britannique en Égypte, l’autorisation d’aller plaider la cause de l’indépendance égyptienne devant la Conférence de la Paix qui doit se tenir à Paris. Responsable du Foreign Office, Lord Balfour refuse et les trois leaders du Wafd, nom donné à cette « délégation » sont arrêtés et exilés. Une vague d’agitation sans précédent se déclenche alors dans tout le pays. Les sabotages se multiplient, trente Anglais et un millier d’Égyptiens sont tués au cours des troubles qui suivent.

29 janvier 1919 Le gouvernement égyptien refuse de s’associer au projet de royaume arabe présenté par l’émir hachémite Fayçal à la Conférence de la Paix.

25 mars 1919 Le maréchal Allenby est nommé haut-commissaire en Égypte et, le 31, il autorise Zaghloul Pacha à se rendre à la Conférence de la Paix.

15 avril 1919 La Grande-Bretagne se voit confirmer par la Conférence de la Paix son protectorat sur l’Égypte.

9 novembre 1920 Rupture des conversations de Londres entre le gouvernement britannique et les nationalistes égyptiens. Zaghloul Pacha s’était rendu dans la capitale britannique en juin ; quand il rentre en Égypte le 29 mars 1921, la population lui fait un accueil triomphal, alors qu’au cours des jours précédents W. Churchill, ministre des Colonies, a réuni au Caire la conférence britannique sur le Proche-Orient qui organise la région au profit de l’Angleterre, réunion que Churchill baptisera lui-même « conférence des quarante voleurs ».

25 mai 1921 Émeutes sanglantes à Alexandrie où une centaine de manifestants nationalistes sont tués. Les Anglais n’acceptent alors de négocier qu’avec Adly Pacha, le ministre nommé par le sultan Fouad.

21 février 1922 N’ayant rien obtenu des Britanniques, Adly Pacha, leur interlocuteur privilégié, a démissionné en décembre 1921. Les Anglais ne veulent alors rien céder et font arrêter Zaghloul Pacha, le leader du mouvement nationaliste Wafd, qui est exilé à Aden, puis aux Seychelles et enfin à Gibraltar. Conscient qu’il est urgent de faire des concessions, Allenby obtient de Lloyd George – contre l’avis des conservateurs les plus bornés tels que W. Churchill – l’octroi de l’indépendance à l’Égypte.

28 février 1922 Proclamation de l’indépendance égyptienne. C’est la fin du protectorat britannique mais l’indépendance a des limites : contrôle du canal de Suez, accords militaires contraignants, protection des intérêts étrangers et des minorités, condominium sur le Soudan.

13 mars 1922 Fouad prend le titre de « roi » et signe la constitution le 19 avril.

30 mars 1923 Libération de Zaghloul Pacha, accueilli triomphalement en septembre en Égypte où, après la victoire du Wafd aux élections de décembre-janvier (195 sièges sur 214), Fouad lui demande de constituer le premier gouvernement de l’Égypte indépendante (27 janvier 1924).

1924 Interdiction du Parti communiste.

12 mars 1925 Nouvelle victoire électorale du Wafd. Le maréchal Allenby renonce à ses fonctions de haut-commissaire le 14 juin suivant.

mars 1927 Fondation à Ismaïlia, par Hassan al-Banna, de la confrérie des Frères Musulmans. Elle entend lutter contre la présence coloniale anglaise par la réislamisation de la société.

1927 Mustapha al-Nahhas succède à Zaghloul à la tête du parti Wafd.

1929 Naissance du mouvement fascisant Misr al-Fatat, « La Jeune Égypte », d’Ahmed Hussein.

Décembre 1929 Nouvelle victoire électorale du parti Wafd.

1er janvier 1930 Formation du gouvernement Nahas Pacha après la suspension de la constitution par le roi Fouad.

26 août 1936 Nouveau traité anglo-égyptien, qui constitue une étape supplémentaire sur la voie de l’indépendance complète. Les Anglais peuvent cependant maintenir des troupes pendant vingt ans dans la zone du canal de Suez et, en cas de guerre, l’Égypte, alliée de l’Angleterre, devra mettre au service de Londres son territoire et ses infrastructures. Les inquiétudes que suscitent les initiatives italiennes en Méditerranée et la crainte d’une guerre européenne ont conduit les Anglais sur la voie du compromis.

8 mai 1937 La convention de Montreux met fin aux privilèges financiers ou judiciaires dont jouissaient les puissances étrangères en Égypte.

1937 L’Égypte est admise à la SDN.

décembre 1937 Le jeune roi Farouk, qui a succédé à son père Fouad disparu le 26 avril 1936, renvoie le premier ministre Nahas Pacha. Il dissout le Parlement et, contre le Wafd qu’il soupçonne de républicanisme, cherche à gouverner avec un ministère « libéral constitutionnel » peu représentatif des aspirations du pays. Les fêtes somptueuses qui accompagnent son mariage en janvier 1938 masquent une évidente absence de légitimité.

1938 Taha Hussein publie L’avenir de la culture en Égypte, un ouvrage qui est un appel à l’occidentalisation.

3 septembre 1939 La Grande-Bretagne, qui a déclaré la guerre à l’Allemagne, exige de l’Égypte l’application des clauses militaires du traité de 1936 et oblige le roi Farouk à prendre comme ministre Hussein Siry Pacha.

4 février 1942 Les Anglais imposent au roi Farouk, qui voulait constituer un gouvernement Aly Maher jugé anglophobe, la mise en place d’un gouvernement Nahas Pacha. Quand Farouk repousse l’ultimatum, l’ambassadeur britannique, Sir Miles Lampson, menace d’employer la force et ne lui laisse le choix qu’entre l’abdication et le gouvernement souhaité par Londres.

juillet 1942 Arrestation d’Anouar el-Sadate, qui est accusé d’avoir pris contact avec des agents allemands au moment où Rommel menace directement l’Égypte. Emprisonné, il s’évade en octobre 1944.

23 octobre-2 novembre 1942 La victoire britannique d’El-Alamein met l’Égypte hors de portée des forces d l’Axe.

8 octobre 1944 Farouk renvoie Nahas Pacha.

6 novembre 1944 Lord Moyne, ministre d’État de Grande-Bretagne au Moyen-Orient est assassiné au Caire par deux militants sionistes.

janvier 1945 Le roi Farouk, qui avait refusé de le faire en 1940, déclare la guerre à l’Allemagne et au Japon.

22 mars 1945 Signature au Caire de l’acte constitutif de la Ligue Arabe, six mois après une conférence préparatoire réunie à Alexandrie par Nahas Pacha qui n’entendait pas laisser aux Hachémites de Transjordanie et d’Irak le monopole de l’idée panarabe. Le siège de la Ligue est établi au Caire et non à Bagdad comme le souhaitaient les Britanniques.

septembre 1945 Levée de la loi martiale.

20 décembre 1945 L’Égypte réclame l’abrogation de certaines clauses du traité de 1936.

11 janvier 1946 Anouar el-Sadate retourne en prison jusqu’en août 1948.

4 juillet 1946 Les Anglais quittent la citadelle du Caire. Devant le développement de l’agitation et des émeutes, le gouvernement de Londres a décidé le 7 mai que ses troupes évacueront Le Caire, Alexandrie et le delta.

Avril 1948 L’agitation sociale gagne tout le pays et dégénère en violentes émeutes, notamment à Alexandrie.

15 mai 1948 Début de la première guerre israélo-arabe.

23 octobre 1948 Début, au sud de la Palestine, du siège de Faloudja qui se prolonge jusqu’à l’armistice de février 1949 et au cours duquel s’illustre le futur colonel Nasser.

4 décembre 1948 Le chef de la police égyptienne est abattu par les Frères musulmans dont l’organisation est dissoute peu après. Le 28 décembre, le premier ministre égyptien Al-Nokrachi est assassiné à son tour par les Frères musulmans. Il est remplacé par Ibrahim Abdel Hadi.

12 février 1949 Assassinat d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, sans doute en représailles du meurtre du premier ministre Al-Nokrachi.

24 février 1949 À l’issue des négociations engagées à partir du 12 janvier, signature de l’armistice de Rhodes entre l’Égypte et Israël.

1949 Formation du « Comité des officiers libres » animé par Gamal Abd al-Nasser et par Abd al-Hakim Amer. Ils sont soutenus par le général Naguib.

janvier 1950 Le Wafd obtient les deux tiers des sièges aux élections législatives.

1er septembre 1951 Le Conseil de Sécurité de l’ONU condamne l’Égypte qui a interdit le canal de Suez aux bateaux israéliens.

8 octobre 1951 Le premier ministre égyptien, Nahas Pacha, le leader du Wafd, dénonce unilatéralement le traité anglo-égyptien de 1936. Le 13 octobre, le gouvernement égyptien rejette le projet présenté par les Occidentaux d’un commandement suprême unifié pour le Proche-Orient.

1951-1952 Développement de la guérilla contre les forces anglaises dans la zone du canal.

20 janvier 1952 Les Anglais occupent Ismaïlia. Émeutes et incendies se généralisent au Caire au cours des jours suivants (plus de deux cents incendies pour la seule journée du 26). L’assaut anglais contre le siège de la police d’Ismaïlia, qui fait une quarantaine de morts le 25 janvier, déclenche la fureur de l’opinion égyptienne et prépare le terrain pour les évènements de l’été, dans un pays en proie à des crises ministérielles répétées.

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