BAHARIYA, l'oasis du nord

 

Située à 330 km au sud-ouest du Caire et à 180 km de la vallée du Nil, Bahariya est installée sur une dépression naturelle de 2000 km2, dans un site montagneux, à proximité  d'un gisement  d'un minerai de fer. On y trouve de nombreuses buttes témoins. Le bassin mesure 94 km de long sur 42 de large.

Dans l'Antiquité Bahariya était un relais entre l'Egypte et la Libye, gouvernée par une famille libyenne placée sous le contrôle des pharaons de la XXVIe dynastie. On l'appelait la Petite Oasis par opposition à celle de  Kharga. Cette oasis "septentrionale" fut toujours fertile,  produisant du vin dès le Moyen Empire; on y a découvert un pressoir à vin avec sa zone de foulage, ce qui laisse à penser que les oasis du nord étaient couvertes de vignes qui fournissaient un vin apprécié sur les tables de Grèce et de Rome. Les dattes, les agrumes, les oignons et la volaille - particulièrement les dindes - sont encore expédiés dans la vallée du Nil. La ville fut prospère jusqu'au IVe siècle de notre ère. L'oasis compte d'abondantes sources chaudes et ferrugineuses et reste un grand producteur de dattes.

Un peu d'histoire

Bahariya est contrôlée par le pouvoir pharaonique dès la VIe dynastie, comme l'attestent la présence de mastabas à Balat où reposent les  gouverneurs  des  oasis. Au Moyen Empire, la région commerce avec la vallée du Nil; une stèle de la XIIe dynastie atteste de relations politiques avec Abydos et Thèbes. Plus tard, après la chute de la XIIIe dynastie, une stèle de Kamose, découverte en 1954 dans le temple de Karnak nous apprend qu'Apopi, roi des Hyksos, envoie un message au prince de Kouch pour attaquer l'Egypte par le sud. Le messager et son message sont interceptés par Kamose; l'Egypte peut être rassurée... A la XVIIIe dynastie, Thoutmôsis III (1458-1425 av. J.-C.) réorganise le contrôle des oasis. La stèle d'Intef (au Louvre) reconnaît au nomarque d'Abydos, son autorité sur les oasis, tandis que des gouverneurs des oasis se rendent à Thinis (Abydos) et à Thèbes. Des textes retrouvés dans les tombes 39 et 100 de la Vallée des Rois attestent bien ces échanges entre la capitale, Thèbes, et les oasis.

Aux XIXe et XXe dynasties, commence une exploitation rationnelle des ressources minérales. La route est contrôlée par les soldats de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.) afin de se protéger des invasions libyennes. Ces dernières occupent les oasis sous le règne de Merenptah, fils de Ramsès II et atteignent les "montagnes des oasis" (Bahariya et Farafra). À partir de la XXVIe dynastie (672-525 av. J.-C.), les oasis retrouvent leur prospérité; temples, tombes et chapelles sont dressées sous les règnes d'Apriès (589-569 av. J.-C.) et d'Iahmès (571-526 av. J.-C).

Si curieusement le nom d'Alexandre n'est nullement mentionné à Siwa et si aucun temple ne lui est dédié, en revanche un temple lui est ici consacré avec son cartouche et sa représentation auprès d'Amon. À la Période romaine, Bahariya devient l'un des grands centres caravaniers de la région. De nombreuses nécropoles y voient le jour et le creusement de nombreux puits permet une irrigation du sol encore plus efficace. À l'arrivée du christianisme, l'oasis se couvre de monastères et d'églises. La communauté chrétienne ne se retirera qu'au XIIe siècle. Au XIXe siècle, Bahariya restera une halte importante pour les pèlerins en route vers La Mecque. L'oasis ne sera découverte qu'au XIXe siècle, par Belzoni en 1815, par Cailliaud en 1820, Pacho en 1823, plus tard par Steirdorff en 1901 et plus récemment dans les années 1950 par l'archéologue égyptien Ahmed Fakhry.

La visite de Bahariya

Bahariya abrite les restes de monuments funéraires (tombes) creusés sur les flancs de la colline Qaret Qasr Sélim, près de Bawiti. Ces tombes de princes et princesses, de dignitaires, de gouverneurs ou même de riches commerçants, sont ornées de jolies peintures représentant les divinités classiques : le dieu local Khonsou-Thot, dieu lunaire assisté d'Horus, Anubis, Apis et Isis.

La tombe du commerçant Baennetyou (VIe siècle av. J.-C.), la plus décorée de toutes les sépultures, est la plus importante.

Le décor comporte des scènes funéraires classiques et des scènes se rapportant à des cultes locaux. Khonsou-Thot, incarnation du temps nocturne et du cycle d'alternance de la lumière, est particulièrement vénéré.
À l'intérieur de la tombe, la paroi nord évoque le parcours de la lune et du soleil.

Les angles sont réguliers et les piliers du vestibule carrés. Ce vestibule permet d'accéder à trois chambres funéraires. Le décor comporte deux types d'éléments : des scènes strictement funéraires et des scènes se rapportant aux cultes locaux. Khonsou-Thot, dont la vénération était grande à Baharia, vient au tout premier rang, car Baennetyou avait été à son service en tant que prophète. La lune a, comme répondant égyptien des emblèmes parlant de l'universalité de l'énergie créatrice, Khonsou-Thot, symbole divin du temps nocturne et du cycle d'alternance de la lumière. Les populations libyennes avaient, selon Hérodote (IV, 188), une prédilection pour les "cultes lunaires". Il faut voir dans ces cultes à Baharia une volonté de regrouper Libyens et Égyptiens autour de croyances identiques. Il était habituel parmi les populations d'origine libyenne que les hommes de haut rang exerçassent à la fois des fonctions religieuses et tempo­relles. A Siwa, Baennetyou, ainsi que ses successeurs et ses prédécesseurs, veille sur le plein exercice de ses devoirs religieux, par délégation royale, fût-il d'origine libyenne.

La tombe de Djedimeniouefânkh a également ses parois ornées soigneusement de scènes funéraires : défunt présentant des offrandes, courses lunaires et solaires, jugement osirien, pesée du cœur, textes, etc. La tombe fut pillée à l'Époque romaine.

On s'interroge pour savoir si Alexandre, au retour de Siwa, après avoir consulté l'oracle d'Amon, aurait pu faire construire un temple à Bahariya, alors qu'il regagnait la vallée du Nil. Les témoignages restent contradictoires : selon Arrien, il reprit le même chemin qu'à l'aller (la route côtière) pour rejoindre le delta; selon Ptolémée, il aurait pris une route plus courte conduisant à Memphis, mais on ignore si cette route passait par Bahariya. À cet effet le temple d'Alexandre, situé à Qasr el-Mesguesbeh, dans un beau site, comporte un sanctuaire en pierre et 45 chambres divisées en compartiments; on y a retrouvé des poteries rouges. La décoration du sanctuaire se borne à une effigie d'Alexandre suivie d'un homme tenant un encensoir; le cartouche d'Alexandre est en partie effacé.

La  ville  principale  de  l'oasis de Bahariya se nomme Bawiti (30000 habitants), elle est située au milieu de la palmeraie. C'est une ville oasienne animée, avec une grande rue pittoresque bordée de quelques vieilles maisons de terre aux façades peintes.

On a découvert en 1999, dans les environs, une immense nécropole de 205 momies gréco-romaines alignées et empilées les unes sur les autres, en parfaite conservation, datant du IVe siècle avant notre ère jusqu'au IIe siècle.
Ce site appelé déjà "Vallée des momies" a été découvert par hasard lorsque le sabot de l'âne d'un des gardiens des antiquités s'enfonça dans une crevasse; son maître descendit pour le dégager et se trouva  face à face à une momie dont le regard le fixait intensément. Selon  l'archéologue égyptien Zahi Hawas, les momies parfois placées dans des sarcophages de terre cuite, portent des masques dorés ou peints de couleur jaune; les femmes sont parées de bijoux typiques de cette époque. Le cartonnage est constitué d'un mélange de plâtre (ou de pâte à papier) et de lin. On a découvert, entre autre, la momie d'un dignitaire de la région, coiffé du cobra royal ainsi que celle d'une femme   entourée de ses deux jeunes enfants. On a également retrouvé dans des caveaux familiaux, des statues de divinités, des figurines  représentant  des  pleureuses et des femmes nues, plantureuses appelées "concubines du mort". Les défunts étaient entourés de bijoux dont certains étaient sertis de pierres semi-précieuses, de pièces de monnaie d'Époque grecque et d'amulettes.

Le petit "musée des momies dorées" abrite quelques beaux exemplaires de ces momies.

Source : Le guide des civilisations égyptiennes, des pharaons à l'islam  (éditions Marcus)

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