Les pyramides de Dachour

 

On ne sait toujours pas pourquoi Snéfrou est venu installer sa résidence à Dachour. Pour des raisons de politique intérieure ou commerciale ? Le contrôle du Delta a en effet peut- être imposé à la cour royale un déménagement de Meïdoum à Dachour, cinquante kilomètres plus au nord. Snéfrou a peut-être voulu s'assurer la maîtrise des routes commerciales. car le site de Dachour offre des possibilités exceptionnelles au trafic fluvial vu la facilité d'y construire des installations portuaires. De Dachour, partent vers l'est des pistes qui mènent vers les mines de cuivre et de turquoise. Vers l'ouest, on atteint les oasis et l'Afrique profonde, par un ouadi qui serte de piste. A proximité, on trouve des carrières de calcaire, bien utiles pour construire deux pyramides ! Snéfrou avait, rappelons-le, le projet une pyramide haute de cent vingt-huit mètres cinquante ! Aucune prophétie n'annonçait le passage de la pyramide à degrés à la pyramide géométriquement pure. Passer d'un gigantesque escalier à une forme abstraite démontre un développement culturel et religieux phénoménal propre à l'époque de Snéfrou. D'ailleurs, ce dernier a laissé le souvenir d'un souverain débonnaire. Il a même été divinisé au Moyen Empire, devenant ainsi le modèle du roi parfait. Notons la performance tout de même : Snéfrou réussit à ouvrir deux gigantesques chantiers à Dachour et à en assurer la logistique. Ces chantiers devaient recevoir des pierres et du bois, du cuivre - pour les outils - donc envoyer des expéditions au nord, à l'est et au sud. La construction de ces deux énormes monuments a servi d'expérience en améliorant des architectes pour construire encore plus haut ensuite. Mais elle a aussi donné de meilleurs outils administratifs nécessaires à une centralisation plus grande de l'Egypte.

Outre les deux pyramides de Snéfrou, la rhomboïdale et la rouge, trois autres pyramides dominent encore la vallée du Nil depuis le plateau de Dachour. Construites au Moyen Empire, elles accueillent les dépouilles des souverains des XIIe et XIIIe dynasties. D'abord celle de Sésostris III (1878-1842), encore haute de trente mètres, bâtie en briques et revêtue d'un parement de calcaire fin. On trouve à côté les tombes d'Amenemhat II (1928-1895), en pierres, et d'Amenemhat III (1842-1797), en briques.

La pyramide rhomboïdale

Ce monument funéraire est le premier à avoir été construit comme une "vraie" pyramide, et non comme une structure à degrés. Mené à son terme, le projet aurait donné naissance à une construction grandiose. Hélas, parvenus au deux tiers de la hauteur envisagée, les architectes ont réduit sa pente (de 63° 21' 00" à 54° 31' 13") et limité ainsi son élévation. Pourquoi ? Pour certains, la mort inattendue de Snéfrou est responsable de ce changement. Selon eux, réduire la hauteur de la pyramide était synonyme de l'avancement de la fin des travaux. Pour d'autres, plus nombreux, des fissures apparues dans les voûtes des chambres internes ont rendu plus prudents les architectes.

Le monument a conservé 70% de son revêtement d'origine en calcaire de Toura. L'une des raisons de sa conservation tient à la technique employée pour poser le pavement : les pierres au lieu d'être posées en assises horizontales, sont posées en lits déversés vers l'intérieur du monument (comme pour la pyramide à degrés).

La particularité de la pyramide rhomboïdale ne tient pas seulement à sa forme, elle réside aussi dans ses deux entrées, une au nord (traditionnelle) et une autre à l'ouest. On pense que des fissures dans les parois du couloir sont la raison de l'existence d'une deuxième entrée. Aujourd'hui, l'entrée se fait par le nord.

Les conceptions canoniques de l'au-delà commandent l'architecture intérieure de la pyramide rhomboïdale. Ce lieu mythique est situé dans les profondeurs, mal connues, du monde souterrain. Ceci oblige les architectes à creuser la chambre la plus basse dans la roche, comme dans la pyramide de Djoser à Saqqara. Pour symboliser l'ascension du pharaon vers le ciel, les deux autres chambres sont construites au-dessus de la première, la seconde servant d'étape au roi pendant sa montée au ciel. La chambre funéraire, la troisième et la plus haute, est située, symboliquement, dans le ciel, plaçant de fait Snéfrou parmi les dieux, à côté de son père, Rê.

Cette pyramide est la première de l'Histoire à être entourée d'un complexe funéraire où se déroulaient des rites de dévotion à l'égard du pharaon : temple de la vallée, chaussée montante et temple funéraire. Ce dernier, construit en briques crues, s'élève à l'est de la pyramide.

La pyramide rouge

Hier appelée "Snéfrou est resplendissant", elle porte de nos jours le nom de "pyramide rouge", une appellation due à la couleur du calcaire utilisé pour sa construction. A l'origine, elle était du blanc immaculé du calcaire de son revêtement, aujourd'hui disparu. Elevée après la rhomboïdale, elle est la première pyramide lisse parfaite. On peut penser que ses architectes ont retenu l'"échec" précédent. Le sous-sol fut sondé, le carré de base fut porté à deux cent-vingt mètres de côté et l'inclinaison abaissée. Seules les pyramides de Kheops et de Khephren la surpassent en hauteur.

Un long couloir de soixante mètres mène à trois salles surmontées d'un plafond à encorbellement. La troisième, dont l'entrée placée à seize mètres de hauteur, abritait le sarcophage royal.

Accolé à la façade est, on peut encore voir les maigres ruines du temple funéraire, vraisemblablement construit à la hâte. Snéfrou a probablement été inhumé dans cette pyramide, on y a découvert les pauvres restes d'un cadavre momifié.

Récemment, l'Institut archéologique allemand dirigé par le professeur R. Stadelmann a retrouvé le pyramidion qui coiffait le monument. Il est aujourd'hui exposé près du temple funéraire, à l'est donc.

Princes, princesses et hauts dignitaires sont enterrés à l'est de ces deux monuments d'éternité, dans de grands mastabas de pierre, tout comme la reine Hétephérès, avant que son fils Kheops ne lui construise une petite pyramide à l'ombre de la sienne.

Texte extrait du livre "Pyramides, temples, tombeaux de l'Egypte ancienne" de Richard Lebeau (Editions Autrement).

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