(1331-1327)

 

 Nom d'intronisation

Kheper-kheperou-Rê {Les manifestations de Rê se manifestent} irou Maât {qui fait Maât}.

Nom de naissance

It-netjer Iy {Le père divin Aï}.

 

Sa vie

Kheperkheperouré Aÿ avait présidé à l'enterrement de Toutankhamon et lui avait succédé. Il n'appartenait pas à la lignée royale de la XVIIIe dynastie, mais avait été régent de Toutankhamon pendant les premières années de règne du jeune souverain. Il semble s'être assuré une certaine légitimité en épousant la veuve de son prédécesseur, Ankhesenamon.

Il était déjà âgé  quand il devint pharaon, et son règne fut bref et dépourvu d'évènements marquants. Entouré d'Horemheb, avec lequel il s'était efforcé de stabiliser le pays pendant le règne de Toutankhamon, Aÿ poursuivit la politique destinée à faire de l'Égypte un pays sûr et stable religieusement après le déséquilibre engendré par la période amarnienne. Sa contribution à ce processus de remise sur pied du pays ne l'empêcha cependant pas de subir une damnatio memoriae, comme tous les souverains amarniens

 

Sa tombe (KV23 ou WV23)

Pour lui-même, Aÿ avait préparé une tombe dans la partie ouest de la Vallée des Rois, site qui fut peut-être originellement choisi pour Toutankhamon, à quelque distance de la tombe d'Amenophis III. Aucun dépôt de fondation n'a été découvert qui aurait établi l'identité de l'individu à qui la tombe était destinée.

Elle fut mise à jour par Giovanni Battista Belzoni en 1816 au cours de sa première campagne d'exploration dans la Vallée des Rois. Ila avait visité la tombe d'Amenophis III, mise au jour par des membres de l'Expédition d'Égypte, et retrouva celle d'Aÿ par hasard alors qu'il creusait plus profond dans la vallée. Avec l'aide de quelques ouvriers, mais très handicapé par une ophtalmie, Belzoni réussit à faire une fouille superficielle de la tombe. Son appréciation d'ensemble était censée ; "D'après sa surface et la portion de sarcophage encore en place au centre d'une vaste chambre funéraire, j'ai de bonnes raisons de croire qu'il s'agit là de la tombe d'un dignitaire." Bien des années plus tard, le sarcophage endommagé arriva au musée du Caire, mais il fut remis en place une fois que la tombe eut été complètement fouillée par Otto Shaden de l'université du Minnesota en 1972.

Le plan de la tombe est simple et a été comparé à celui d'Akhenaton à Tell el-Amarna. Orientée approximativement nord-sud, elle comprend deux corridors menant à une chambre funéraire destinée peut-être au puits ou à la fosse présents dans les tombes royales thébaines du début de la XVIIIe dynastie. Il n'y a pas de salle hypostyle, mais une chambre funéraire ouvrant sur une petite pièce qui abrite les vases-canopes - les entrailles momifiées dans leurs réceptacles - et le mobilier qui va avec, équivalent de la salle du Trésor dans la tombe de Toutankhamon.

La chambre funéraire possède un décor peint figurant différentes divinités et une scène de chasse dans les marais, rare dans les tombes royales mais que l'on trouve dans les tombes des Nobles; cette scène fut endommagée dès l'Antiquité.

Seul un mur porte des extraits du Livre de ce qu'il y a dans l'Autre-Monde.

La chambre funéraire.

 

Les 12 singes représentant les 12 heures de la nuit.

 

 

La scène de chasse.

 

Les quatre fils d'Horus en rois déifiés de Haute et Basse Égypte, assis devant une table d'offrande.

 

Pourquoi le choix d'une autre vallée que la Vallée des Rois ? - Le faucon divin du ouadi El Qouroud

Par Teresa Bedman et Francisco Martín Valentín - Instituto de Estudios del Antiguo Egipto (Madrid)

L’influence indéniable du dieu Amon de Thèbes, dieu dynastique par définition, a dirigé et contrôlé la première moitié de la XVIIIe dynastie.

Néanmoins, quelques documents, dont "La Stèle du Rêve" constitue un excellent exemple, rendent évidente la détermination de Thoutmosis IV de s’éloigner des prêtres d’Amon. Sur cette stèle, il y a une référence au pacte entre le roi, quand il était encore prince, et le dieu Hor-em-Akhet, Khepri, Ra, Atum, en vertu duquel l’héritage de Geb et les couronnes Blanche et Rouge lui seraient donnés s’il libérait le dieu des supplices du sable du désert qui le recouvrait. De cette façon, il montrait qu’il se rapprochait des courants solaires, au détriment du clair monopole tutélaire des prêtres d’Amon sur la royauté de la XVIIIe dynastie.

Il semble que le soucis du roi de proclamer sa légitimité à occuper le trône a aussi fait l’objet de diverses manifestations. Les inscriptions stipulent toujours que les signaux divins qui le distinguaient comme héritier ont eu lieu "quand il était enfant"- ist Hm.f m inf(w)-. De cette manière, il semble vouloir souligner sa condition supérieure par rapport aux autres enfants d’Amen-Hotep II, bien que tous les indices indiquent que, sans la disparition physique de ses frères aînés, il n’aurait probablement pas été couronné roi d’Egypte.

Une des indéniables exigences des prêtres d’Amon envers les monarques de la XVIIIe dynastie a été de se faire ensevelir dans la nécropole choisie à cet effet sur la rive occidentale de Thèbes.

En effet, et en conséquence, la Vallée des Rois, le ouadi, connu en arabe comme "Biban el Moulouk" ou "Portes des rois" a été le lieu de sépulture de presque tous les monarques du Nouvel Empire, avec cinquante huit tombes royales connues. En outre, c’est ici que la majorité des monarques égyptiens ont fait bâtir leurs hypogées dans les XVIIIe, XIXe et XXe dynasties, pendant le Nouvel Empire.

Le catalogue des tombes royales connues pendant cette période historique est complété par les tombes existantes dans un autre ouadi placé un peu vers l’Ouest du Biban el Moulouk, et qui a comme prénom en arabe Ouadi el Qouroud ou "Vallée des Singes", faisant probablement allusion aux représentations de singes figurant sur la tombe d’Aÿ.

Dans les domaines égyptologiques, cet ouadi est connu comme "La Vallée Occidentale", en allusion à la Vallée des Rois, et c’est là-bas que se trouvent les tombes suivantes :

- WV 22, commencée par Thoutmosis IV, et finalement occupée par Amenhotep III ;

- WV 23, probablement construite pour Toutankhamon et finalement occupée par Aÿ ;

- WV 24, anonyme ;

- WV 25, pas finie, probablement commencée au début du règne de Amenhotep IV et négligée, à cause de la fondation de la ville de l’Horizon d’Aton, à Amarna, ainsi qu’une autre, anonyme, cataloguée comme la tombe WV A.

Toutes les tombes creusées dans cette vallée et qui ont un propriétaire attribué datent de la période qui va du règne de Thoutmosis IV à celui d’Aÿ. Cet emplacement n’avait a priori jamais été utilisé pour creuser des tombes royales, jusqu’au  moment où Thoutmosis IV commença à construire la tombe qui serait plus tard celle d’Amenhotep III, la WV 22. En outre, il semble qu’après le règne d’Aÿ la petite vallée ait été abandonnée comme lieu de sépulture des souverains égyptiens et qu’il y eu un retour à la tradition habituelle : se faire creuser des tombes dans la Vallée des Rois.

Cet hiatus bizarre dans les traditions funéraires royales du Nouvel Empire coïncide dans les grandes lignes, et de manière très évidente, avec la période d’éloignement entre la Maison Royale et les prêtres d’Amon, qui commence sans aucun doute lors de l’accès au trône de Thoutmosis IV, et qui termine lors de la restauration des cultes traditionnels, après la période d’Amarna. Bien que ce soit Aÿ, le successeur de Toutankhamon, qui ait été enterré dans la WV 23, il n’en est pas moins vrai qu’à l’origine, cet hypogée semblait être destinée à constituer le  lieu de repos éternel du second.

En tous cas, cet épisode anormal dans les habitudes funéraires royales de cette période s’est fini définitivement lors du règne de Horemheb, qui fit bâtir sa tombe, la KV 57, dans la Vallée des Rois.

Ainsi, il semble évident que le choix de la Vallée Occidentale comme lieu de repos éternel par la totalité des souverains qui ont conduit les destins de l’Égypte pendant la dernière période de la XVIIIe dynastie, a dû correspondre à un dessein politique et religieux dont le fond semble être suffisamment clair. Les chercheurs admettent le besoin de Thoutmosis IV de renforcer son accès au trône par l’appui d’anciens cultes solaires.

Ceci semble être le point d’inflexion de la nouvelle orientation politique que conduirait les rois qui lui ont succédé à occuper la vallée occidentale comme lieu de repos éternel.

Ils voulaient probablement montrer avec un geste décisif que, de cette façon, ils s’éloignaient de la ligne de soumission au dieu Amon qui avait prédominé jusqu’alors, pendant toute la dynastie.

Nous savons que Thoutmosis IV avait donné l’ordre de commencer les travaux pour creuser la WV 22 avec l’idée évidente d’en faire sa tombe, mais il a finalement été enseveli dans la KV 43.

Maintenant que nous avons déduit les raisons pour lesquelles ces rois avaient décidé d’abandonner la Vallée des Rois comme lieu de sépulture, il nous reste à expliquer les fondements du choix précis du Ouadi el Qouroud comme nouvel emplacement funéraire royal.

Il est bien évident que, si le but de la décision du roi de changer l’emplacement de sa tombe avait uniquement été de quitter la Vallée des Rois pour n’importe quel autre lieu de la nécropole de Thèbes, l’abondance d’anciens ravins secs situés tout autour de la Vallée des Rois aurait permis à Thoutmosis IV de choisir facilement un endroit. Mais cette décision transcendante a été, sans doute, basée sur un autre type de considérations.

Il est bien connu que Thoutmosis IV cherchait des signaux divins pour justifier ses décisions.

D’autre part, il y a beaucoup d’exemples dans la géographie égyptienne qui nous parlent du lien intime entre un accident topographique et la situation postérieure d’un sanctuaire ou d’une nécropole. Ainsi, nous savons que, possiblement, le monticule rocheux où s’érige aujourd’hui le Grand Sphinx de Gizeh aurait été modelé grossièrement par l’action des vents, donnant à la roche une apparence d’animal vigilant. Il est possible que les prêtres de l’Ancien Empire virent en ce signe naturel le lien parfait pour ériger dans cette région les complexes funéraires des pharaons de la IV dynastie. En outre, nous avons déjà vu l’importance qu’à eu cette image, identifiée à l’époque avec le dieu solaire Hor-em-Akhet, pour Thoutmosis IV.

Nous trouvons un autre exemple dans les terres lointaines du Soudan. Là-bas, à côté de l’immense rocher de Gebel Barkal, le Dr. T. Kendall a identifié sur un côté naturellement saillant de la pierre, une image qu’évoque un Uraeus redressé. Face à cette image, les anciens prêtres ont consacré cet emplacement et ont identifié le signal divin comme le lieu où avait émergé Amon de Napata, et pour cette raison, un magnifique sanctuaire a été bâti là. Nous avons un nouvel exemple avec le temple de Ramsès II à Abou Simbel, dont la situation et orientation devaient coïncider avec le renforcement de la vitalité du pharaon et parallèlement au renouvellement de l’année et à la prospérité du pays.

De la même manière, l’utilisation des points cardinaux sur l’île de Philae et sa situation par rapport à l’île de Bigeh ont permit aux prêtres de la Basse époque la plus grandiose mise en scène pour représenter le mythe d’Isis et d’Osiris, permettant la construction d’un temple à chaque endroit où, on disait, la déesse Isis avait eu une contraction de son accouchement imminent.

Face à ce qui a été la grande ville de Thèbes, sur l’autre rive du fleuve, dans la région Ouest, éloignée de la zone inondée et cultivée, une chaîne montagneuse s’étend, avec de  nombreuses vallées isolées. Le point le plus élevé de cette chaîne de montagnes est une pyramide naturelle qui rappelle les anciennes constructions sacrées des premières dynasties. La pyramide, qui a toujours été considéré comme un escalier vers le ciel et les dieux, a été sans aucun doute prise comme un symbole et un signe divin pour les prêtres du Nouvel Empire. C’est pour cela qu’ils ont conseillé de placer la nécropole royale dans un lieu si sacré. Toute cette chaîne montagneuse était consacrée à la déesse Hat-Hor, étant donné qu’elle était la « Souveraine d’Occident ». Néanmoins, la pyramide ou le Qourn, comme il s’appelle aujourd’hui, était consacrée exclusivement à la déesse Meret-Seger, « celle qui aime le silence ».

Or, au printemps 1999, Teresa Bedman a découvert  l’existence d’un curieux phénomène qui pourrait être un exemple clair de topographie sacrée, parmi tant d’autres en Égypte.

Il s’agit de la figure d’un grand faucon avec un disque solaire sur la tête

 (G9 de Gardiner). Il est placé au fond de la vallée et de toute évidence c’est la forme naturelle des murs rocheux de cet endroit.

   

Sa position, un peu en raccourci, contrôle tout l’ouadi, et il est orienté vers l’Est, un peu dévié vers le Nord.

Devant le faucon, sur le sol de la vallée et relativement à la hauteur de l’entrée de la tombe WV 25, se trouve un rocher escarpé qui a la forme du hiéroglyphe

  (N26 de Gardiner), dont le bout supérieur droit a disparu. En ayant une perspective adéquate, les deux figures se complètent de telle sorte qu’elles permettent une lecture sans difficultés , ce qui correspond à  Hr m Axt, c'est-à-dire le dieu Hor-em-Akhet.

Ainsi, ce lien d’évènements permettrait d’argumenter que, si la première tombe creusée dans la Vallée Occidentale l’a été par ordre de Thoutmosis IV (WV 22), et si, comme tout semble l’indiquer, il existe un phénomène de topographie sacrée au fond de la vallée, qui pourrait être la représentation du dieu Hor-em-Akhet, la conclusion semble être claire : la découverte de ces phénomènes orographiques a permis de choisir un emplacement nouveau et différent pour les sépultures des rois qui avaient décidé de s’éloigner de la soumission au clergé d’Amon. 

Haut