Tombe de Kherouef (TT 192)

 

« Intendant de la Grande Épouse royale Tiyi » et « confident du roi ».

XVIIIe dynastie, règnes d’Aménophis III (1390-1352) et d’Aménophis IV-Akhénaton (1352-1338 av JC).

 

En dépit de ses nombreuses lacunes et de son mauvais état de conservation, le tombeau de Kherouef (TT 192, El-Assassif), situé non loin du temple d'Hatshepsout à Deir el-Bahari, reste un document du plus haut intérêt iconographique.

 

Si l'on en juge par les représentations visibles dans la cour, l'ensemble du tombeau devait être éblouissant. Les décors finement gravés présentent des scènes relatives  au  premier jubilé d'Aménophis III, en l'an 30 de son règne. Malheureusement, l'état de dégradation des parois ne permet pas d'apprécier toutes les subtilités de ces images car seul le mur ouest de la cour est encore suffisamment bien préservé ; il se divise en deux parties, séparées par une porte conduisant au reste de la sépulture.

 

Le jubilé royal, le heb Sed des Égyptiens, est une cérémonie qui se déroule, en théorie, après 30 ans de règne et qui répond à une logique bien précise. En Égypte, tout au long de son mandat, le devoir essentiel de Pharaon consiste à maintenir l'ordre universel créé par les dieux et voulu par les hommes. Le roi doit assurer la bonne marche des phénomènes naturels qui garantissent la vie et veiller sur l'équilibre du monde. Or il ne peut accomplir correctement cette mission que s'il reste en pleine possession de ses moyens ; à cette exigence répond la fête Sed. Au cours de cette solennité, le souverain renouvelle ses pouvoirs et sa force vitale, confirme sa  nature divine et ses capacités à gouverner le pays, assure la permanence de la création et la fertilité des terres par une série d'épreuves physiques et de rites religieux : course, danse, don d'offrandes, navigation, visite de sanctuaires où il est accueilli par les dieux, édification de chapelles et de temples, restauration de bâtiments anciens...

 

En tant que grand ordonnateur des cérémonies, Kherouef a choisi de représenter dans son tombeau les épisodes marquants de la fête.

 

Sur la partie sud, un baldaquin abrite deux personnages assis, Pharaon et la déesse Hathor, et un troisième debout, la reine Tiyi. Le roi a revêtu les vêtements et les attributs que l'on a coutume de porter en de telles circonstances : le grand manteau jubilaire, la couronne de Haute et de Basse-Égypte, ou pschent, la crosse heqa et le fouet nekhakha.

 

Pharaon et la déesse Hathor.

 

Devant eux se tiennent huit superbes demoiselles : les filles d'Aménophis III. Deux par deux, elles font des libations d'eau avec des vases cultuels et s'apprêtent à consacrer l'emplacement de la fête Sed. Leur visage, légèrement rehaussé de noir et de rouge par endroits, est totalement idéalisé ; l'artiste n'a pas tenu compte de l'âge réel des princesses royales qui, à l'occasion de ce jubilé, avaient entre 18 et 33 ans.

 

Les filles d'Aménophis III s'avancent pour consacrer le lieu de la fête Sed.

 

Suit une scène, difficile à expliquer mais très animée : des femmes aux cheveux longs et finement ondulés exécutent une danse étrange qui consiste à se courber en deux, tout en portant les mains à terre et en gardant les jambes droites.

 

Danseuses.

 

Dans la partie inférieure, chanteuses et musiciennes frappent dans leurs mains, agitent des instruments de musique ou jouent de la flûte. Le registre supérieur est très abîmé ; on parvient toutefois à distinguer un tableau qui marque certainement un épisode très important de la fête. À l'extrême gauche, le roi et la reine naviguent sur le Birket-Habou, immense lac en forme de T aménagé devant le palais de Malgatta. Tous deux ont pris place dans un kiosque dressé sur une frêle embarcation ; apparemment, ils sont accompagnés par certains de leurs proches, mais la scène est trop lacunaire pour que l'on puisse en tirer des informations intéressantes.

 

La moitié nord retrace l'un des rites essentiels du jubilé : celui de l'« érection du pilier djed », à la fois emblème d'Osiris au moment de sa résurrection et symbole de la durée et de la stabilité. Un immense pilier djed est dressé sur un socle en l'honneur du dieu memphite Ptah-Sokar-Osiris, régent des fêtes jubilaires. La cérémonie se déroule à l'aube, en présence du souverain, de Tiyi, de plusieurs officiants et des princesses qui « apaisent l'auguste pilier djed » en agitant des sistres. Derrière elles, de jeunes athlètes se livrent à des attractions rituelles. Par leurs danses, leurs combats à mains nues et leurs luttes au bâton, ils accompagnent le roi qui vient de saisir les cordages attachés au pilier ; voilà que, d'un geste lent et mesuré, il relève l'emblème divin, signe de l'accomplissement du cycle annuel. Cette image du pilier djed, c'est aussi celle de Pharaon qui est en train de se régénérer et de renouveler sa virilité. Le pilier djed, totalement redressé, est maintenant représenté sous une forme humanisée, avec des yeux ouverts et une coiffe composée des plumes osiriennes enserrant le disque solaire jusqu'au prochain jubilé, il reste le garant du succès de la cérémonie.

 

Les participants à la cérémonie de l'"érection du pilier djed" .

 

Plus loin, sur la scène à l'extrême gauche de la paroi, trônent le roi et son épouse, tous deux confortablement assis sur des fauteuils installés sous le « dais de la renaissance », sorte de construction légère maintenue par des colonnettes florales. Devant eux, s'avance Kherouef. Il est venu rendre hommage à Pharaon qui a subi triomphalement les épreuves de la fête Sed : il lui offre des colliers précieux et, surtout, une coupe ciselée rappelant un lotus épanoui, symbole de la régénérescence.

 

Aménophis III et la reine Tiyi assis sous le "dais de la renaissance".

Texte : Aude Gros de Beler, Vivre en Egypte au temps de Pharaon. Le message de la peinture égyptienne, éditions Errance, Paris, 2001

Pour une description plus détaillée : Osirisnet

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