Dans la tombe de Toutankhamon

 

Christiane Desroches Noblecourt - Sous le regard des dieux

 

Le trésor de Toutankhamon a fait couler beaucoup d’encre. On a évalué sa valeur, son poids, mais on n’avait jamais cherché à comprendre ce que signifiait ce mobilier funéraire.

 

Les quatre points cardinaux

La tombe de Toutankhamon, bien que toute petite, était composée de quatre salles qui correspondaient, j’en suis persuadée, aux quatre points cardinaux.

J’ai ensuite pu comprendre que les objets déposés dans chacune de ces salles étaient en relation avec le périple du défunt qui devait traverser les quatre régions du monde, correspondant aux quatre éléments. La momie était inhumée à l’ouest, dans la chambre funéraire qui évoque la terre. Le défunt commençait son périple en passant dans la salle du nord, celle de l’eau. C’est là qu’avaient été déposés les différents bateaux et les shaouabti, dont certains étaient dans des coffres ornés d’images de bateaux, ce qui constitue une preuve supplémentaire à l’appui de ma thèse. Toutes les statues contenues dans cette salle sont noircies au bitume, parce que l’on se trouve dans le domaine d’Anubis.

 

Anubis

Et c’est aussi dans cette salle que ce trouvait la grande statue d’Anubis, ou plutôt de Toutankhamon sous les traits d’Anubis.

 

   

Que représente cette statue ?
Une sorte d’enveloppe protégeant le mystère de la transformation. Je me suis même demandé si elle ne représentait pas le fœtus du mort en cours de métamorphose, alimenté par le placenta de la Mère primordiale. Anubis trône au seuil de la salle de l’eau parce qu’il est à la fois la porte, celui qui conduit le mort, et l’enveloppe dans laquelle il va se reconstituer. C’est pourquoi les textes disant qu’il prend le mort par la main. Anubis est lunaire, il vit dans les ténèbres, il a un "museau d’argent". Il accompagne le défunt pendant tout son périple, que celui-ci dure une semaine, une année ou mille ans.

Comment ce mystérieux Anubis est-il interprété dans la mythologie égyptienne ?
Il est reconnu comme l’un des fils d’Osiris, mais un enfant né dans les ténèbres, car Osiris l’a engendré en fautant avec Nephthys, sa propre soeur qui était également celle d’Isis. Anubis est donc un enfant adultérin.

Anubis m’intéresse car il me pose une énigme.
Il est réputé vivre dans les ténèbres mais pourquoi est-il "commenté" dans une chapelle orientale, parallèle à celle d’Hathor, au deuxième étage d’une colonnade protodorique du temple de Deir el-Bahari ? Saviez-vous qu’il existe deux chapelles d’Anubis à Deir el-Bahari ? L’une d’entre elles est bien connue, mais il s’en trouvait une seconde, très réduite, aménagée dans le mur de l’autel solaire du niveau supérieur. La chapelle d’Hathor se trouve au sud, celle d’Anubis est au nord; vous vous rappelez que dans la pensée égyptienne, tout ce qui se situe au nord participe du féminin, de la naissance, de l’enfance. Mais le plus étonnant, c’est qu’il existe cette autre chapelle consacrée à Anubis jouxtant le sanctuaire solaire, le lieu même de la renaissance. C’est le seul exemple, à ma connaissance, où Anubis est associé à une chapelle solaire : en cet endroit Hatshepsout consacra le lieu de renaissance jubilaire pour son père Thoutmosis Ier.

 

Les trois lits de Toutankhamon

Il y avait trois lits dans la tombe de Toutankhamon.

 

Le premier lit possède une tête de guépard.
Le guépard a un long cou, deux larmiers qui tombent du coin des yeux et il est le protecteur du roi. Il s’agit donc d’un lit bénéfique.

 

   

 

Le second lit possède une tête de vache; il est donc dédié à la déesse Hathor.

 

 

Le troisième lit a une tête d’hippopotame.
Il évoque Thouéris, la déesse de l’enfantement. Elle se tient dans l’élément liquide, qui symbolise le liquide amniotique : ainsi elle protège le mort.

 

   

Il s’agit donc de trois lits qu’on pourrait qualifier de mystiques. Carter avait bien fait l’inventaire de ces objets mais sans les commenter, sans pouvoir en chercher le sens.

Un jour, au musée du Caire, j’ai compris que le personnage de Amam, Amam Ourèt, le fameux monstre qui figure aux pieds de la balance de Maât, n’est pas du tout un monstre de l’enfer comme on l’avait cru. Au contraire ! Amam Ourèt, la Grande Avaleuse ingurgite le mort qui doit refaire son périple parce qu’il ne s’est pas assez débarrassé de ses imperfections.

 

Ces lits étaient des moyens de transport, des véhicules de l’au-delà si vous voulez. Ces lits-véhicules ont chacun une symbolique particulière. J’ai tendance à penser que la vache, image d’Hathor, suggère l’entrée dans l’autre monde et du périple que le mort devra refaire une seconde fois. Au pied de la balance, la Grande Avaleuse, attend le verdict du juge. Si le jugement est mauvais, le mort est avalé afin qu’il puisse refaire son parcours. Enfin, la figure de l’hippopotame symbolise la sortie, là-dessus il n’y a aucun doute.

 

Photos insecula.com - Musée égyptien du Caire

 

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