Hatshepsout

La reine mystérieuse

 

naissance : vers -1495

règne :-1479 à -1457

  

 Nom d'intronisation

Maât-ka-Rê {Maât est le ka de Rê}.

Nom de naissance

Hat-chepesout {elle est à la tête des Nobles Dames}.

 

 

Hatshepsout
Metropolitan Museum of Art

Tête osiriaque d'Hatshepsout

Deir el-Bahari

 

Son nom a été exclu des listes officielles des souverains égyptiens, son image effacée des monuments.

On a voulu y voir une vengeance du pharaon Thoutmosis III, victime des agissements de sa redoutable tante Hatshepsout l'"usurpatrice" qui avait régné à l'aide d'une coterie de courtisans et sous l'emprise du dangereux grand intendant du domaine d'Amon, Sénènmout.

L'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, dans son livre La reine mystérieuse Hatshepsout (éd. Pygmalion), le conteste avec de solides arguments et fait porter la responsabilité du saccage par les prêtres d'Osiris, dont le dieu avait été remis à sa juste place par la dévote d'Amon. 

 

Sa jeunesse

Hatshepsout naît en Haute-Egypte vers 1495 avant notre ère. Elle est la fille du pharaon Thoutmosis Ier et de la reine Ahmès. En la contemplant, Ahmès s'écria : Hat- Shépésout ("elle est à la tête des Nobles Dames"). Ainsi fut baptisée celle qui allait devenir la première grande souveraine connue de l'Histoire.

La petite Hatshepsout passa les premières années de sa vie dans la ville de Ouaset (Thèbes) sur la rive droite, entre Ipèt-Sout (Karnak) et Ipet-résèt (Louxor). Elle fut élevée par sa nourrice Sat-Rê et reçut les leçons d'Inéni, un savant au service du pharaon Aménophis Ier.

Dans sa neuvième année de règne, Aménophis Ier mourut sans héritier et sa mère, la reine douairière Ahmès-Nofétari, intervint dans le choix de son successeur, Thoutmosis, compagnon d'armes du roi défunt. Ahmès, sa femme, prend alors le titre de Grande Épouse Royale. Hatshepsout devient normalement princesse héritière et, sitôt désignée comme telle par son père, de préférence à ses trois demi-frères nés d'une épouse secondaire, Moutnéférèt. Ces garçons, de santé défaillante semble-t-il, mais très probablement soutenus par le clan de leur mère, constituent pour Hatshepsout un handicap majeur. Cependant, à l'encontre de ce que l'on pouvait attendre, peu de temps avant son décès, Thoutmosis Ier donne sa fille en mariage à l'un de ses trois fils qui règne sous le nom de Thoutmosis II, privant ainsi Hatshepsout de ses droits au trône. Thoutmosis II ne règne que trois années et meurt prématurément, après être devenu père de deux filles que lui donne Hatshepsout, et d'un fils, un autre Thoutmosis, né d'une concubine.

Nouvelle situation inattendue : Hatshepsout, à laquelle tous les droits au trône reviennent encore - la loi salique n'existe pas sur les bords du Nil -, n'est pas davantage intronisée. Au contraire, la jeune veuve assiste au couronnement du fils de la concubine, une certaine Isis ; c'est ce petit Thoutmosis qui deviendra le très glorieux Thoutmosis III-Menkhéperrê. Voilà où commence l'aventure incroyable de cette jeune femme qui, à l'inverse de ce qu'on a longtemps prétendu, prend le plus grand soin de son neveu encore enfant, et le prépare au plus brillant avenir.

 

L'arbre généalogique d'Hatshepsout

 

La corégence

Dès le couronnement du petit roi, sa belle-mère et tante inaugure la plus originale et, sans doute, la seule vraie corégence d'Égypte, phénomène qui a provoqué l'apparition du mot « pharaon ». En effet, cette corégence dont Hatshepsout est, pendant une assez longue période, l'élément le plus agissant, implique qu'à chaque cérémonie publique, les deux corégents apparaissent représentés côte à côte ; ils sont chaque fois accompagnés de leurs titres et noms respectifs. Ce rituel est régulièrement suivi jusqu'au jour où un scribe prend l'initiative d'une simplification audacieuse et remplace toutes ces lourdes et longues précisions d'identité par le seul mot : « Per-aâ », ce qui signifie la « Haute Demeure », le Palais (correspondant à la Sublime Porte des Ottomans ou à l'Élysée). Puis, ce qui s'applique aux corégents finit par concerner son membre le plus agissant, Hatshepsout, et devient par la suite le titre de tous ses successeurs. En conclusion, lorsque Alexandre apparaît en Égypte, le mot « Per-aâ » est définitivement grécisé sous la forme « Pharao », Pharaon. Ce point constitue un des nombreux phénomènes qui surgiront durant toute la présence de la remarquable corégente à la tête du royaume.

En dépit d'un couronnement sans sacre et d'un supposé jubilé « trentenaire » qu'elle s'attribue, Hatshepsout demeure, jusqu'à sa disparition, réellement et seulement Grande Epouse Royale, veuve de Thoutmosis II et corégente de Thoutmosis III. Aucun obstacle majeur, toutefois, ne l'empêche de gouverner, de réformer, de combattre.

Obligée par le protocole sacré de revêtir les attributs masculins du roi d'Égypte, Hatshepsout n'en demeure pas moins très féminine, originale et parfois même audacieuse. Dès le début du règne marqué par cette personnalité exceptionnelle, se déroulent les actions les plus réalistes, absolument nouvelles pour l'époque, précises et bénéfiques pour le pays et, cependant, baignées dans le système des miracles et des oracles d'Amon, l'Essence suprême.

 

Hatshepsout offrant des jarres.

Granit rouge - Metropolitan Museum of Art

Sphinx d'Hatshepsout.

Granit rouge - Metropolitan Museum of Art

 

Ainsi Hatsheptsout-Maâtkarê déclare-t-elle sa filiation surnaturelle, mais parallèlement témoigne-t-elle sa dévotion pour Thoutmosis Ier, puisque ce père terrestre l'avait, dès sa naissance, destinée au trône. Elle conforte encore ses droits en faisant réenterrer son réel géniteur dans sa tombe de la nécropole royale, la future Vallée des Rois, dont elle est elle-même la fondatrice.

Au nom d'Amon, une expédition au pays de Pount est programmée. Avec quelle volonté et talent la corégente en organise-t-elle dans tous les détails son périlleux déroulement, écartant délibérément le chemin par la mer Rouge, au bénéfice de la voie par le Nil, en dépit des dangers rencontrés, surtout durant le franchissement des Cataractes ! Mais c'est ainsi assurer l'aller et le retour sans transbordements et protéger la vie des animaux et des arbres à encens ramenés par ses navires, repartant directement de la terre du Dieu pour l'Égypte. Elle prend même le soin de préciser qu'à l'arrivée dans le Pount, le responsable de son expédition, Nèhèsy, devra offrir un banquet d'accueil à Praréhou et à Ity, le roi et la reine de cette terre « tant aimée d'Amon »... Jusqu'à en fixer le menu !

De tels détails, des réalisations aussi variées dans tous les domaines révèlent bien davantage l'intime personnalité de la corégente que les éternels discours louangeurs et impersonnels adressés de tout temps à l'endroit des maîtres de l'Égypte. Ainsi, à l'étude des parties constitutives de son inégalable temple jubilaire de Deir el-Bahari, on perçoit la volonté de cette véritable théologienne désireuse d'utiliser les plans et les formes architecturales pour faire passer - par le truchement du mythe - un message destiné pour la première fois à ses sujets, qu'elle tient à éclairer sur les étapes de leurs transformations post-mortem . Elle utilise aussi les symboles animaliers pour appuyer ses démonstrations, en vue d'approcher le Grand Mystère. Ce que le clergé d'Osiris, maître des secrets de la résurrection, ne peut tolérer. Il ne faut donc pas chercher, dans cet acharnement, une vengeance causée par une supposée usurpation au trône. Pas plus qu'une colère provoquée par la fantastique érection de deux obélisques hauts de 28,50 m plaqués d'électrum. Ce n'est pas davantage une attaque, qui serait bien mal fondée, du neveu dont elle fit un grand roi. Pas davantage l'éventuelle vindicte des dangereux partisans de l'envahisseur qu'elle eut à combattre. Le point de départ de la proscription dont pâtit la mémoire de la reine, la destruction systématique constatée sur toutes ses représentations (très probablement après le règne de son neveu) émane bien du clergé d'Osiris, qu'elle ne condamne pas mais dont elle tente de commenter les mystères trop longtemps maintenus dans un secret total.

 

La même persécution touche partiellement le grand intendant Sénènmout, le plus proche des fidèles de la souveraine. Sans doute ont-ils suivi, l'un et l'autre, une évolution parallèle dans l'interprétation théologique, mais l'ostracisme n'a rien à voir avec les liens affectifs existant probablement entre ces deux personnages. Si l'on interroge les témoignages laissés par Sénènmout, celui qui fut un savant, un lettré, un artiste, lui aussi théologien et, sans conteste, un grand homme d'État, on arrive à déceler les traces du vibrant amour, impérativement maintenu dans l'ombre, ressenti par le plus puissant serviteur du royaume pour la plus grande souveraine de l'Antiquité.

 

Double portrait de Senenmout

The Metropolitan Museum of Art, New York

Statue-cube de Sénènmout enveloppant dans ses bras la petite princesse Néférourê, fille aînée d'Hatshepsout.

Diorite - Musée de Berlin

Sur chacune des ses épaules, les premiers cryptogrammes au nom de sa souveraine vénérée, Maâtkarê.

 

De surcroît, l'étonnante ambiguïté qui plane sur l'histoire de la reine, la proscription blessant sa mémoire bien après sa disparition, ne trouvent en définitive leur raison d'être et ne peuvent se comprendre qu'en tenant compte de l'audace dont elle fait preuve dans son oeuvre théologique. Aménophis IV-Akhénaton, le grand et maladif poète, voudra, plus tard, s'en inspirer... mais en opérant une sélection appliquée avec aveuglement et démesure.

En revanche, ce que la prestigieuse Hatshepsout établit en redressant un pays qu'elle a réveillé, reconstruit et fait rayonner, connaît de brillants lendemains et se perpétue en une régulière évolution jusqu'à la fin de l'ère pharaonique.

 

A-t-on retrouvé la momie d'Hatshepsout ?

 

La momie présumée d'Hatshepsout

 

En avril 2006, à New York, lors de la conférence donnée à l'occasion de l'ouverture de l'exposition consacrée à la reine Hatshepsout au Metropolitan Museum of Arts, M. Zahi Hawas, secrétaire du Conseil Suprême des Antiquités, annonçait avoir retrouvé la momie de la célèbre pharaonne dans les réserves du Musée du Caire.

Cette re-découverte n'a cependant pas fait grand bruit dans le monde égyptologique. Il est vrai qu'elle est assez étonnante même si, comme le dit Zahi Hawas, "la momie était perdue parmi des milliers d'objets".

La tombe KV20 de la reine Hatshepsout dans la Vallée des Rois avait été découverte en 1824 par Belzoni. C'est une tombe très profonde, longue d'environ 213 mètres et qui fait un coude vers la fin pour se situer dans l'axe du temple de Deir-el Bahari. Ainsi, la salle du sarcophage se situe tout près du Saint des Saints de son temple funéraire.

La tombe d'Hatshepsout (KV20) :
un immense corridor de 213 m de long sur presque 100 m de dénivelé mène au caveau funéraire situé à l'arrière du temple funéraire de Deir el-Bahari.

Puis en 1902, Howard Carter y découvrit un sarcophage en calcaire au nom d'Hatshepsout pharaon qui se trouve maintenant au Musée Egyptien du Caire. Un second sarcophage ayant appartenu à son père Thoutmosis Ier fut aussi trouvé dans la chambre funéraire (il est maintenant au Museum of Fine Arts de Boston).

Sarcophage de la reine Hatshepsout ayant appartenu à son père Thoutmosis Ier.
quartzite peint
Museum of Fine Arts, Boston

Non loin de là, dans la tombe KV60 découverte par Carter en 1903, ont été trouvées les momies de deux femmes âgées, l'une dans un sarcophage au nom de la Grande Nurse Royale, Sat-Rê, la nourrice d'Hatshepsout, et une autre reposant directement sur le sol.

En 1906, la tombe fut réouverte par Theodore Davis et Edward Ayrton qui transféra le sarcophage avec la momie au Musée du Caire, laissant l'autre momie en place. Plus tard Donald Ryan examina la momie et l'abrita dans un cercueil neuf.

Quelques égyptologues pensaient que cette momie pouvait être celle d'Hatshepsout. Mais en 2005, lorsque, pour les besoins d'un documentaire, Zahi Hawass se rend dans la tombe KV60, il constate que la momie, malgré une attitude royale, est corpulente et a de gros seins pendants, ressemblant donc plutôt à une nourrice.

Il fait rechercher le sarcophage du Musée du Caire qui est retrouvée au 3ème étage du musée. Là, il constate que la momie ne mesure qu'1m50 alors que le sarcophage mesure 2m13 et donc aurait mieux convenu à l'autre momie de la tombe KV60. La momie gît aussi dans une pose royale, le bras gauche reposant sur sa poitrine, et est enveloppée avec beaucoup de soins dans un beau tissu de lin qui a cependant souffert du saccage des voleurs à la recherche d'or.

La momie a gardé sa longue chevelure et surtout un beau visage "à l'allure royale".

Il suggère qu'à la Troisième Période Intermédiaire, les prêtres ont transféré la momie royale de la tombe KV20 vers la tombe KV60 et l'ont caché dans le sarcophage de sa nourrice pour mieux la protéger.

Mais le 28 juin 2007, Zahi Hawass fait encore sensation en annonçant avoir vraiment identifié la momie de la célèbre reine égyptienne en la personne de la momie qui était restée sur le sol dans la tombe KV60.

C'est à partir d'un morceau de dent, d'une simple molaire cassée, retrouvée dans un vase canope, que cette identification a pu être faite. Ce vase canope, marqué de la titulature d'Hatshepsout, avait été trouvé par Belzoni en 1881 dans le temple de Deir el Bahari. Le morceau de dent correspond en effet à la molaire manquante dans la mâchoire de la momie.

Grâce au CT-scan, une technique d'imagerie permettant une recomposition du corps en trois dimensions, les archéologues ont précisé qu'il s'agissait d'une femme d'une cinquantaine d'années, obèse et probablement morte d'un cancer des os.

La posture de la momie avec le bras gauche plié sur sa poitrine et ses ongles peints en rouge et noir sont ceux d'une reine.

Des analyses ADN vont être pratiquées sur le dent et la momie et comparées avec celui de la momie d'Amos Nefreri, la grand-mère d'Hatshepsout.

A suivre...

 

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