L’expédition au pays de Pount

 

Cette expédition pacifique se déroule pendant la VIIIe ou IXe année du règne (la date n'est pas repérée dans les inscriptions). En 1858, Auguste Mariette en a découvert le récit, gravé sur une paroi du portique sud de la deuxième terrasse du Djéser-djeserou, à Deir el-Bahari.

On y apprend que le dieu Amon, en personne, ordonne à la reine d'aller chercher l'encens et les aromates nécessaires au culte rituel. Cette injonction est faite par le biais d'un oracle :

"Le roi lui-même, roi de Haute et Basse-Égypte, Maâtkarê, la Majesté de la Cour s'approche de l'escalier du seigneur des dieux, et entend l'ordre issu du Grand Siège, l'oracle de la bouche du dieu lui-même: "Rechercher les routes vers Pount, découvrir des chemins vers les escaliers de l'oliban, conduire l'armée par eau et par terre pour rapporter les merveilles du Pays du dieu, ce dieu même qui a créé sa perfection."

Auparavant, l'Égypte s'est contentée de petites quantités d'aromates défraîchis et probablement mêlés d'impuretés, ramenées par des caravanes venant du sud. Pourtant, des expéditions ont déjà été envoyées au pays de Pount pendant l'Ancien et le Moyen Empire. Hatshepsout envoie des caravaniers pour prospecter la route et avertir les riverains ainsi que le chef du pays, de la venue prochaine d'une délégation égyptienne. Elle charge Néhésy, le Trésorier du Nord, d'organiser le voyage.

Quels sont les buts de cette expédition ?

Commandité par le dieu Amon en personne, le voyage va accroître la renommée de la reine et attester que son règne est vraiment soutenu par les dieux. En plus de ce bénéfice personnel, il est certain que l'expédition va permettre d'établir des relations commerciales directement avec le pays de Pount, sans intermédiaires. Il faut donc ouvrir des chemins directs vers ce pays, "Terre du dieu".

L'expédition comporte cinq bateaux dont le premier est dirigé par Néhésy et emporte un groupe sculpté représentant Amon et Hatshepsout. Le départ a vraisemblablement lieu à Karnak où la reine, accompagnée du jeune Thoutmosis III vient saluer la flottille. Le voyage se fait très probablement le long du Nil par cabotage.

Reconstitution d'un bateau de l'expédition au pays de Pount.

A l'arrivée au pays de Pount, on assiste à la rencontre entre les représentants de la reine et les Grands du Pount : le roi Parakhou, la reine Ity (célèbre pour son aspect physique particulier montrant une obésité certaine et une lordose accentuée, bref une stétaopygie) et les enfants du couple royal. On échange les cadeaux : les Égyptiens ont apporté "pain, bière, vin, viande, fruits..." tandis que leurs hôtes leur offrent de l'oliban (encens), des pépites d'or, des jarres.... Ensuite, on passe aux échanges commerciaux qui se font par le biais du troc. Les Égyptiens offrent des produits transformés comme des colliers d'or, des perles de céramique, des bracelets, une hache, une dague et son fourreau. Ces objets sont, en fait, dédiés à la déesse Hathor. En échange, la petite troupe égyptienne va emporter un certain nombre de denrées : encens (non seulement la résine "cueillie" mais aussi des arbres à encens qui sont déracinés, rempotés et emmenés), myrrhe, ébène, or, électrum, khôl, bétail à longues cornes, oeufs et plumes d'autruche, chiens (semblables à des lévriers), girafes, rhinocéros, éléphants,babouins, petits singes, panthères, léopards (et peaux de léopards)...

On charge les bateaux pour le retour et c'est le départ vers l'Égypte. La flottille arrive à Karnak où elle est attendue par la reine qui va dédier tous ces trésors à son père Amon. Une scène étonnante survient à cette occasion : Hatshepsout abandonne toute retenue et laisse éclater sa joie à la vue de l'oliban. Elle y plonge les mains et comme ennivrée par le baume sacré, elle s'en recouvre les bras, les épaules, le torse. Les arbres à encens vont être transportés sur la première terrasse du temple de Deir el-Bahari où ils vont être replantés de part et d'autre de la première rampe, autour des bassins en T.

Où se situe le pays de Pount ?

Sa localisation a fait couler beaucoup d'encre et le pays exerce toujours un grand attrait auprès des égyptologues. Pour C. Desroches Noblecourt, il est quasi certain que le Pount se trouve sur la côte est de l'Afrique.

Les représentations égyptiennes révèlent un paysage méridional (on y voit des cocotiers) et une faune tout à fait africaine (bétail à longues cornes, girafes, rhinocéros, singes, panthères et léopards). La faune aquatique est de type tropical comme on peut la voir dans la Mer Rouge et ses golfes. Les recherches récentes s'accordent à localiser "le Pays des dieux" aux frontières de l'Éthiopie et du Soudan, entre le Nil Bleu et la Mer Rouge, en dessous de la côte de Somalie et non pas sur les côtes de l'Arabie ou de l'Afrique du Sud comme certaines recherches anciennes l'ont proposé.

Ainsi que l'explique Christiane Desroches Noblecourt, la confusion vient de l'interprétation du terme Ouadj-our ("le Grand Vert").

Inéni, riche de ses expériences dans le sud du pays (où il a accompagné les troupes royales de Thoutmosis I), a rapporté à Hatshepsout que pour atteindre les arbres à encens, il faut s'engager sur le Ouadj-our. La plupart des égyptologues traduisent ce terme par "mer". Pourtant, Christiane Desroches Noblecourt ainsi que CL. Vandersleyen, pensent que, en réalité, ce terme se rapporte au Nil en période de crue, qui prend une couleur vert blanchâtre à cause des têtes de papyrus et des jacinthes sauvages arrachées dans les régions du Sud.

Pour la célèbre égyptologue, le chemin le plus probable, suivi par Néhésy, est celui du Nil jusqu'à l'embranchement de l'Atbara (au-delà de la 5ème cataracte) qu'il remonte en direction de Kassala (voir la carte). Elle est confortée dans cette opinion par les travaux archéologiques de R. Fattovich dans la région de Kassala. Ce dernier constate, en effet, que la région du Gash a été le lieu de troc pour un certain nombre de produits en provenance de l'Afrique noire et que la présence de poteries koushites et égyptiennes prouve la rencontre entre ces deux pays.

Quel fut le chemin emprunté par l'expédition ?

Plusieurs solutions sont possibles :

1) partant de Thèbes, descendre le Nil jusqu'à Coptos et de là, partir par voie terrestre en suivant le Ouadi Hammamat pour aboutir au port de Qoseir sur la Mer Rouge. Là, il fallait reconstruire des bateaux pour atteindre les côtes de l'Érythrée. Pour le retour, il fallait effectuer l'opération inverse. A Bubastis, on a trouvé un récit de voyage au pays de Pount sous Thoutmosis III ou Amenhotep II. Chaque soir, les hommes de l'expédition descendent à terre pour la nuit et de jour, se repèrent sur une montagne pour naviguer. Cela suggère effectivement un voyage par mer.

2) une autre possibilité: descendre le Nil jusqu'au Delta et puis emprunter le canal de Sesostris pour atteindre le Nord de la Mer Rouge. Mais il semble que ce canal n'ait pu être emprunté que beaucoup plus tard.

3) la 3ème solution reprend le chemin suivi par les expéditions de Thoutmosis I et se prolonge au-delà de la 4ème cataracte, dépasse la 5ème cataracte jusqu'au confluent de l'Atbara que la flottille peut remonter pour trouver un endroit de mouillage. Dans ce cas, le choix de la date du départ de l'expédition est essentiel car seule la période de l'inondation permet aux bateaux de franchir les cataractes.

 

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