Les surprises de Deir el-Bahari

 

Le temple d'Hatshepsout a quelques aspects des plus insolites.

Le sanctuaire dédié à Imhotep et Amenhotep

Le premier d'entre eux est que le Saint des saints où nous nous trouvons ne termine pas le temple. Le mur du fond, en effet, a été creusé à l'époque ptolémaïque pour donner accès à un nouveau sanctuaire ! Deux personnages d'une exceptionnelle envergure nous y attendent : Imhotep, le Maître d'Œuvre de la pyramide à degrés de Saqqarah, et Amenhotep fils de Hapou, l'un des plus grands Maîtres d'Œuvre du Nouvel Empire. Pour une fois, Senmout est absent, ce qui fait croire à certains égyptologues qu'il n'était pas le seul architecte de Deir el-Bahari. Cet arrière-temple, consacré à deux illustres architectes, fut le lieu de cérémonies magiques. Imhotep et Amenhotep furent en effet considérés comme de véritables dieux guérisseurs qui possédaient la science nécessaire pour donner aux hommes santé spirituelle et corporelle. En cette chapelle s'accomplirent des miracles. L'ombre bienfaisante de ces deux géants de l'histoire de l'humanité veille encore en ces lieux.

Autres surprises de Deir el-Bahari :

Les fameuses « cachettes ».

Il en existait une sous le dallage du vestibule qui donne accès aux chapelles de Thoutmosis Ier et d'Hatshepsout. Là furent découvert des cercueils appartenant à des prêtres d'Amon et datant de la Basse Époque. Ils sont aujourd'hui dispersés dans divers musées. Ces grands dignitaires - hommes et femmes - avaient donc connu, comme dernière sépulture sacrée, le temple de la reine Hatshepsout, dans un endroit suffisamment protégé pour connaître enfin un dernier repos. Sans doute avait-on déplacé cette centaine de sarcophages en raison de risques de violations de sépultures.

La seconde cachette contenait un trésor encore plus fabuleux. Elle se trouvait près du temple, sur le flanc sud. Dans un puits de 12 m de profondeur était creusé un couloir de 70 m de long qui aboutissait à une grande salle. Cette dernière abritait les momies de pharaons de la XVIIIème et de la XIXème dynastie au rang desquels figuraient Sethi Ier, Aménophis Ier, Thoutmosis II et le grand Ramsès II en personne ! Déchirante fut sans doute la décision de sortir les momies de leur tombeau de la Vallée des Rois et de les amener, dans le plus grand secret à l'intérieur de cette cache aménagée avec soin. Mais les troubles sociaux devaient être si graves que certains pillards n'auraient pas hésité à profaner les sarcophages. La Vallée des Rois ne devait plus être gardée et ses plans secrets, permettant d'entrer dans les tombes, avaient été dévoilés par des prêtres indélicats. La dernière précaution des initiés chargés de la préservation des momies royales fut la bonne : il fallut attendre la fin du XlXème siècle pour que des archéologues découvrent cette cachette grâce à... des pilleurs de tombes ! Ces derniers avaient vendu des objets anciens, attirant l'attention de quelques savants. En remontant la piste, après une enquête difficile, il fut possible d'arracher à l'oubli les corps momifiés de quelques-uns des plus grands monarques de l'Égypte ancienne.

La tombe de Senmout

Ne quittons pas Deir el-Bahari sans évoquer une dernière fois un personnage que nous avons souvent rencontré, le Maître d'Œuvre Senmout. Comme on aurait pu le supposer, sa tombe est toute proche de ce temple qu'il aimait tant. Elle se trouve dans une carrière, admirable lieu de repos éternel pour un architecte, non loin de l'entrée de la terrasse inférieure sur la droite du temple en montant vers lui. On verra, dans cette tombe, un dessin qui est un portrait du Maître d'Œuvre et de très importantes représentations astrologiques et astronomiques; tout Maître d'Œuvre, en effet, devait parfaitement connaître ces sciences pour calculer la date de fondation d'un édifice, définir son orientation et le mettre en harmonie avec les forces du cosmos.

Plafond astronomique de la tombe de Senmout (vers 1500 av. J.C.) : première représentation graphique du calendrier solaire.

Les douze mois sont évoqués par douze cercles de haut en bas et de gauche à droite. Quatre mois de la saison Akhet (Inondation),
deux premiers mois de la saison Peret (hiver), deux derniers mois de la saison Peret (printemps) et quatre mois de la saison Shemou (été).

 

Senmout n'est pas enterré dans ce tombeau, car il n'était pas réservé à son corps mais à son esprit et à sa fonction de Maître d'Œuvre. C'est d'ailleurs pourquoi le caveau, partie ultime de la tombe, a été creusé sous l'angle nord-est de la terrasse inférieure du temple. Caveau d'ailleurs inachevé, comme l'œuvre de tout architecte, comme tout temple. Le Deir el-Bahari de Senmout lui a survécu pour les siècles des siècles. Caché derrière une porte, au fond d'une niche, sous le temple, le Maître d'Œuvre de la reine Hatshepsout ne laisse à personne d'autre que lui-même le soin de veiller sur le « sublime des sublimes », le temple au sourire de pierre.

 

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