Les colosses de Memnon

 

Les deux colosses au milieu des cultures.

L'Amenophium

 

Aujourd'hui, deux statues colossales isolées au milieu des cultures marquent l'emplacement de l'entrée du temple funéraire d'Aménophis III (1390-1352 av. J.-C.), l'"Amenophium", un édifice grandiose, plus imposant que les sanctuaires de Ramsès II (le Ramesseum) et de Ramsès III (Medinet-Habou).

Or, si l'on en croit le roi lui-même, rien de comparable n'existait auparavant :

"Un temple splendide a été fait pour lui, sur la rive ouest de Thèbes, une forteresse d'éternité pour toujours, en belle pierre blanche de grès. Ce temple est entièrement revêtu d'or, son pavement est orné d'argent, toutes ses portes sont en électrum, construit très large et très grand et parfait à jamais."

Il faut sans doute imaginer que les pierres du temple ont été remployées pour d'autres constructions et, si les visages des colosses sont mutilés, on ne peut qu'incriminer les martelages systématiques de l'hérésie amarnienne (règne d'Akhenaton), lorsqu'Aton devinent le seul dieu dynastique de l'Empire.

Les "colosses de Memnon"

Les statues mesurent 19,50 m de hauteur et leur poids est de plus de 1300 tonnes; chacune a été taillée dans un seul bloc de quartzite rouge dans une carrière proche d'Héliopolis et transportée sur 600 kilomètres jusqu'à l'entrée du temple funéraire royal de Thèbes.

La renommée de ces colosses est plutôt tardive. Strabon, historien et géographe grec rapportera qu'une grande partie du temple s'écroula et le colosse droit se fissura de l'épaule au bassin, lors du tremblement de terre de l'an 27 avant Jésus-Christ. Dès lors, la pierre se mit à vibrer lors des brusques changements de température et d'humidité qui suivaient le lever du jour. De toutes parts, on vint écouter cet étrange sifflement pour tenter de lui trouver une explication logique et, finalement, la légende s'installa. On assimila ce bruit aux lamentations de Memnon, le héros de la Guerre de Troie tué par Achille, saluant sa mère Éos, l'Aurore, au lever du soleil. Le colosse de Memnon devint un lieu de pèlerinage : on venait écouter au petit matin, arrivant tôt pour être sûr de ne pas manquer l'instant très court où la plainte du héros se faisait entendre. Mais l'empereur romain Septime Sévère voulut rendre au colosse sa splendeur passée : en 199 de notre ère, il décida de restaurer les parties endommagées en reconstituant le torse et la tête à l'aide de quelques blocs de grès. La plainte ne se fit plus jamais entendre, mais le colosse conserva son nom qui fut étendu aux deux colosses.

Le colosse de gauche est flanqué à sa droite de son épouse, Tiyi, et à sa gauche de sa mère, Moutémouia.

Amenophis III et son épouse Tiyi.

Sur les deux côtés du trône, figure une représentation symbolique de l'union de la Haute et de la Basse-Égypte; deux "Nils" nouent le papyrus et le lys, symboles floraux du Double Pays.

Les dieux-Nils nouent le nœud sematawi, symbole d’unification de la Haute et de la Basse-Égypte.

Sur le colosse de droite, on lit encore aujourd'hui les dédicaces que gravèrent les nombreux visiteurs de l'Antiquité en grec et en latin (une seule inscription en démotique); on y a retrouvé les noms des empereurs Hadrien et Septime Sévère.

Vie et tombe d'Aménophis III

 

Actualités archéologiques

Le site du temple - situé à Kom Al-Hettan - est actuellement fouillé par la Mission des colosses de Memnon et du temple d'Aménophis III, dirigée par l'égyptologue arménienne Hourig Sourouzian.

Les travaux en cours (février 2006).

Une statue de la reine Tiyi

En mars 2003, derrière un grand colosse d'Aménophis III, une statue de 2,65 m de hauteur appartenant à la reine Tiyi a été découverte dans un très bon état de conservation. En fait, les prémices de cette découverte remontaient à l'année d'avant quand la mission avait partiellement dégagé à cent mètres derrière les colosses de Memnon une statue colossale d'Aménophis III en quartzite rouge tombée sur son flanc.

Une découverte qui vient s'ajouter à une série d'autres sur le même site. Au cours de son travail dans la cour péristyle (cour intérieur avec colonnade) du domaine funéraire d'Aménophis III qui s'étend des colosses de Memnon jusqu'au pied de la montagne thébaine sur une longueur de 500 m, une centaine de fragments de statues divines et royales en quartzite, en granit noir et rouge ont été recueillis. « Un torse du dieu Amon, un très beau fragment d'un visage de divinité, une tête royale endommagée, une paire de pieds et des parties de colosses royaux », raconte Hourig. La mission a aussi trouvé une tête royale en granit rose du roi Aménophis III et dans la salle hypostyle six statues ont été trouvées de la déesse Sekhmet en granit noir, dont deux avec tête.

Un site encore vierge

En fait, ces découvertes parmi tant d'autres ne sont que des exemples concrets de ce que peut contenir ce site longuement abandonné. « Le site n'avait jamais été véritablement fouillé et il est en grande partie inexploré », souligne Hourig. A son avis, toutes les interventions faites sur ce site sont insuffisantes et il y a encore beaucoup à révéler.

En 1896, Williams Flinders Petrie avait souhaité fouiller le complexe d'Aménophis III, mais n'a pas réussi à le faire. Il a fait des recherches dans le temple voisin de Merenptah (un descendant des Ramessides) et s'en félicite. Il a révélé dans cet édifice, situé à une centaine de mètres de celui d'Aménophis III, plus de monuments de ce dernier qu'il n'aurait souhaité trouver s'il avait fouillé le temple même du souverain. En fait, le site de Kom Al-Hettan a été inexploré jusqu'en 1934 quand l'archéologue Brochardt y fit quelques relevés et observations dans son journal. Ensuite, vers les années 1950, le service des antiquités a entrepris sur le site quelques travaux d'aménagement et de restauration. Puis, entre 1956 et 1959, lors des travaux menés par l'Institut suisse en collaboration avec le service égyptien des antiquités, Labib Habachi et Ahmad Kamal ont mis au jour quelques monuments. Plus tard, en 1964 et 1970, l'Institut suisse de la recherche architecturale et archéologique a mené des travaux sur le site, qui étaient purement voués à la recherche architecturale, au sondage et au nettoyage de certaines parties de l'enceinte pour obtenir un plan théorique du temple et de son enceinte. Et ce n'est qu'une quinzaine d'années plus tard et plus précisément en 1988 que ce site a attiré de nouveau l'attention des spécialistes.

Un vrai sauvetage

En 1996, c'était l'arrêt de mort de ce monument, quand en opérant au temple de Merenptah, j'ai vu le site qui a pris feu. Ce jour-là, j'ai décidé d'entreprendre les fouilles ou plutôt la conservation de ce site », indique Hourig. « C'était au début très difficile, mais j'ai réussi avec l'aide de quelques collègues de convaincre la communauté internationale de l'importance du site ainsi de le classer parmi les cent monuments les plus menacés du monde sur la liste de World Monuments Watch en 1998-1999 ».

Depuis, et au cours des cinq campagnes de fouilles consécutives avec la collaboration du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), les travaux continuent et le site révèle à chaque fois des découvertes. De quoi en faire un lieu de prédilection pour les passionnés de l'Égypte Ancienne. Malheureusement, les touristes qui visitent la Vallée des Rois à Louqsor doivent passer par les célèbres colosses de Memnon, mais aucun d'entre eux n'a jamais pensé que juste derrière ces deux grandes statues se trouvent les vestiges d'un des temples les plus importants de l'Histoire égyptienne.

En fait, la désaffection a commencé depuis les temps des pharaons. A la mort d'Aménophis III, Thèbes a été abandonnée, puisque son fils Akhenaton est allé vivre à Tell Al-Amarna, c'est ainsi que toutes les statues ont été détruites et le nom du roi a été effacé. Quand les successeurs d'Akhenaton sont revenus à Thèbes, ils ont restauré le temple mais une partie du monument a été détruite par Merenptah pour construire le sien. Il s'est donc servi des vestiges du temple comme matériel de réemploi dans les cours de son temple des blocs, des briques, des colonnes et des statues de sphinx que les successeurs ont morcelés pour les réutiliser. Non seulement sous le règne de Merenptah, mais aussi une dynastie plus tard, les Ramessides réemploient des groupes statuaires du site d'Aménophis.

La Mission des colosses de Memnon et du temple d'Aménophis III à Kom Al-Hettan a entrepris les travaux à temps. Si elle n'avait pas commencé le travail depuis 1989, cet endroit risquait de disparaître complètement. C'est un site qui est en fait fortement menacé de destruction par les ravages de la végétation, du feu, de l'eau souterraine et du vandalisme et aucune mesure n'avait été prise pour le sauver. « La campagne internationale que j'ai entreprise a pour but de fouiller et de présenter le site aux visiteurs. Tout au long de ces années, on a commencé par faire une conservation d'urgence et une documentation des monuments en danger. On a ensuite continué les fouilles qui avaient commencé. Le but final est de faire un beau site et un itinéraire aux visiteurs », souhaite Hourig. Tâche difficile, surtout que toute la surface du temple est couverte de deux à trois mètres d'inondations. « Mon rêve est de faire revenir les statues qui se trouvent dans les entrepôts thébains. On a déjà construit sur le site un magasin pour conserver ce qui sera dans l'avenir un musée », espère-t-elle.

Statues de la déesse Sekhmet

Le 13 mars 2006, le ministre égyptien de la culture, Faruq Hosni, a annoncé que la Mission avait exhumé 17 statues de la déesse à tête de lion Sekhmet. Les archéologues ont découvert ces statues de la déesse de la guerre près de l’endroit où six autres statues semblables avaient été trouvées la semaine précédente.

Les statues de granit noir sont de grandeur nature, mesurant ente 1,7 et 1,8 mètres pièce. Elles représentent Sekhmet assise sur un trône, le symbole Ankh à la main, un hiéroglyphe signifiant la vie chez les Égyptiens anciens. Les inscriptions gravées des deux côtés du trône portent la titulature d'Amenhotep III.

Ces nouvelles représentations de "La Puissante" s'ajoutent à une trentaine d'autres découvertes par la même équipe dans ce temple depuis l'année dernière.

La déesse Sekhmet, associée à la guerre et à la vengeance, représentait la force destructrice du Soleil. Une part de sa force destructrice se manifestait sous la forme de maladies et de désastres, mais elle était également capable de guérisons. C'est pour cette raison que le pharaon Amenhotep III aurait semble-t-il collectionné les statues à l’effigie de Sekhmet. Le souverain était affligé de maux dentaires et autres et souhaitait ainsi s’attirer les bonnes grâces de la déesse en vue d'une guérison éventuelle.

2 avril 2008 : les colosses de Memnon ne seront plus seulement deux mais quatre dès l'an prochain.

Lors de la campagne, la dixième, qui s'achève début avril, a été mise à jour une statue de 3,60 mètres de Tiyi, l'épouse d'Aménophis III, qui gisait sous la jambe droite du colosse royal.

"Elle est d'une beauté extraordinaire", dit Hourig Sourouzian. Elle se tiendra debout accolée à son époux après la mise en place, début 2009, de deux colosses en quartz rouge de 15 mètres au niveau du 2ème pylône du temple.

Deux autres colosses en albâtre, ce qui est rarissime, reprendront plus tard leur place au niveau du 3ème pylône.

Statue de Tiyi
(photo AFP/Memnon/Amenhotep III Project)

 

La statue debout d'Amenophis III en cours de remontage
(AFP/Memnon/Amenhotep III Project)

 28 février 2010 : découverte d'une tête d'Aménophis III de 2m50

Farouk Hosni, ministre de la Culture égyptien, annonce la découverte d'une tête d'Aménophis III en granit rouge de 2m50 de hauteur. Hourig Sourouzian, chef de l'équipe d'archéologues qui travaillent sur le site depuis 1999, considère que sa barbe cérémonielle se trouve encore enfouie quelque part à proximité.

"D'autres statues ont toujours quelque chose de cassé: l'extrémité du nez, le visage érodé. Mais ici, de l'extrémité de la couronne jusqu'au menton, elle est magnifiquement taillée et polie, rien n'est cassé", a déclaré Hourig Sourouzian.

Tête géante d'Aménophis III découverte dans son temple funéraire.

2 octobre 2010 : découverte d'une partie d'une statue du pharaon Amenhotep III

"La statue a été retrouvée près de l'entrée nord du temple d'Amenhotep III et représente le roi assis sur son trône avec Amon", l'un des dieux les plus importants de la mythologie égyptienne, a-t-il précisé. La partie découverte mesure 1,3 mètre de hauteur et 95 centimètres de largeur: "elle est fantastique, du fait de tous les détails des traits du visage", s'est réjoui Zahi Hawass. Il s'agit de la moitié supérieure de la statue faite en granit rouge. Les archéologues pensent que la statue dans son entier mesurait environ 3 mètres.

18 novembre 2010 : découverte d'une portion de statue d'Amenophis III

Le docteur Zahi Hawass a annoncé la découverte de la portion supérieure d'une statue de granit rouge représentant le pharaon Amenophis III en compagnie du dieu du soleil à tête de faucon Re-Horakhti sur le site de son temple funéraire à Louxor.

26 avril 2011 : découverte d'une statue d'Aménophis III

Des archéologues égyptiens ont découvert une énorme statue d'Aménophis III, l'une des plus grandes de ce pharaon à être mise au jour, a annoncé le secrétariat d'Etat aux Antiquités.

La sculpture en quartzite, haute de plus de 13 mètres, a été retrouvée en sept morceaux dans son temple funéraire à Kom al-Hitan.

Il s'agit de l'une des deux statues placées à l'entrée nord du temple, qui ont probablement été détruites lors du tremblement de terre de l'an 27 avant J-C, selon le communiqué. La statue, dont la tête n'a pas encore été retrouvée, était depuis enfouie sous terre.

L'autre statue devrait être mise au jour prochainement, selon un communiqué du secrétariat d'Etat.

"La mission archéologique travaille maintenant à nettoyer, rassembler et restaurer les sept pièces pour les remettre en place, et à rechercher la tête de la statue", a indiqué le secrétariat d'Etat aux Antiquités, ajoutant que le pharaon de pierre était destiné à reprendre sa place à l'entrée du temple.

 

Sauver le temple d'Aménophis III (video d'Hourig Sourouzian)

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